L’assassinat de Jorge Eliécer Gaitán et les débuts la guerre civile colombienne en 1948
Le 9 avril 1948, le candidat présidentiel du parti libéral colombien Jorge Eliecer Gaitán est abattu en plein jour dans une rue de Bogota. L’assassinat déclenche une révolte populaire d’une extrême violence. Ce que l’on appellera le « Bogotazo » aboutit presque au renversement du gouvernement conservateur, fait trois mille morts et détruit le centre ville de la capitale. C’est le début de « la Violencia », la guerre civile colombienne.
Ce n’est pas le fruit de l’imagination du Colombien Gabriel García Márquez, prix Nobel de littérature. Le massacre d’environ mille cinq cents ouvriers, le 6 décembre 1928, et la répression qui s’ensuivit pendant trois semaines, qu’il raconte dans son roman Cent ans de solitude, eut bien lieu. Il se déroula dans les plantations bananières de la société américaine United Fruit, sur la côte caraïbe colombienne. Ainsi naissait le terrorisme d’Etat en Colombie. Il est toujours en vigueur presque un siècle plus tard.
Sous le contrôle du Nouvel Ordre Mondial,les médias ,en Occident,ne nous disent pas tout.L’information est d’abord passé par la censure des Maîtres Illuminati du coin.Ici,au Québec,nos médias sont contrôlés par deux grandes familles faisant partie du 1%:la famille Desmarais ,fédéraliste et proche du Parti libéral du Canada…(les héritiers de Paul Desmarais,Power Corporation) et la famille Péladeau ,souverainiste …(Pierre Karl Péladeau,Réseau TVA,etc).Ce n’est qu’un petit exemple…Inutile de dire ici que le massacre des Bananeraies de 1928 est totalement inconnu au Québec,surtout sous la gérance éclairé de l’espion canado-saoudien qui fait office de premier ministre,Philippe Couillard.Aucun journaliste n’en parlerait en période de séries éliminatoires au hockey,sinon en page 50.Sous la gérance du crime organisé,devenue banalisée,aucun médias corrompu n’a intérêt à réveiller le peuple endormi.
L’enjeu de ces conflits,en 1928,c’était le prix des bananes et …la peur du développement d’un mouvement ouvrier de libération ,en Colombie et en Amérique du Sud.La vie humaine pour les entrepreneurs capitalistes américains,ça ne vaut rien depuis toujours.
Dans ce pays, à l’aube du XXe siècle, les gisements de pétrole, d’or, de platine et d’autres précieux métaux sont quasiment offerts à des entreprises américaines ou anglaises. De la même façon, on leur cède de vastes territoires pour l’exploitation sans modération de la banane, du cacao, du tabac et du caoutchouc. Avec le consentement du gouvernement, le personnel employé par ces entreprises est traité comme à l’époque coloniale.
L’industrialisation donne naissance à un début de bourgeoisie urbaine, mais aussi à un secteur ouvrier, qui peu à peu réclame des améliorations sociales. Suivant cet exemple, les paysans, les Indiens et les artisans s’organisent aussi. Ces mouvements revendicatifs aboutissent aux premières organisations politiques et syndicales, dans les années 1920.
On ne peut comprendre ce processus sans mentionner un élément extérieur déterminant : la révolution d’Octobre et l’établissement de l’Union soviétique qui influencent de manière décisive la pensée politique et sociale mondiale, comme l’avait fait la Révolution française en 1789. En Colombie pas moins qu’ailleurs, ne serait-ce que parce que le mot socialisme n’y était pas inconnu de certains cercles intellectuels.
A l’époque, de nombreuses mobilisations et grèves permettent d’arracher des droits et des concessions inimaginables quelques années plus tôt. Ce sont les ouvriers pétroliers de la société américaine Tropical Oil Company qui sont à l’avant-garde de ces conquêtes.
Aux yeux du gouvernement conservateur, de l’oligarchie et de la hiérarchie ecclésiastique – au sein de laquelle on trouve les plus grands propriétaires terriens du pays –, l’organisation et le mécontentement social prouvent l’existence d’un complot communiste international. Leur effroi augmente à la création, en 1926, du Parti socialiste révolutionnaire, une alternative aux partis traditionnels, Libéral et Conservateur. De fait, un secteur important des intellectuels libéraux était favorable aux changements sociaux, non pas pour établir le socialisme, mais pour moderniser un Etat qui gérait le pays comme un majordome gère une hacienda (1).
En provenance du gouvernement, du Parlement, de l’Eglise et des journaux, les sermons se multipliaient contre la « subversion bolchévique ». Terrorisées, l’élite conservatrice et la hiérarchie catholique décident d’agir.
Au milieu de l’année 1927, le ministre de la guerre, Ignacio Rengifo, un ancien intellectuel de gauche réinséré dans le système qu’il avait mis en question, déclare : « Sous la protection du climat de grande liberté qu’on respire en territoire colombien, un nombre non négligeable de nationaux et d’étrangers font en tout lieu une active et constante propagande communiste de leur propre chef ou comme agents à la solde du gouvernement soviétique (2). »
Rengifo fut le principal instigateur de la Loi de défense sociale. Promulguée en octobre 1928, celle-ci marquait la concrétisation d’un cadre théorique hautement répressif. Avec elle, la Colombie devançait les théoriciens des guerres colonialistes européennes et américaines, en formulant la doctrine destinée à combattre ce qu’on appellerait au début des années 1960 « l’ennemi intérieur ». La loi définissait comme « subversive » l’action revendicatrice, politique et sociale des syndicats et des organisations populaires naissantes.
Avec la fin du XIXe siècle, l’entreprise étasunienne United Fruit Company s’installa à Santa Marta, dans la région caribéenne de la Colombie. On lui donna plus de prérogatives qu’à aucune autre entreprise étrangère ; elle allait fonctionner dans l’immense région comme une république indépendante.
Près de vingt-cinq mille personnes travaillaient dans les plantations de United Fruit en 1927, avec des journées de douze heures minimum. Elles ne percevaient pas de salaire en argent : on leur donnait des bons qui ne pouvaient être utilisés que dans les boutiques de l’entreprise, en échange de produits importés depuis les Etats-Unis par les bateaux qui avaient transportés les bananes. Les travailleurs dormaient entassés dans des cabanes insalubres et n’avaient pas accès aux soins médicaux. Un système de sous-traitants intermédiaires constituait le seul lien avec les salariés et permettait à United Fruit de se débarrasser de ses obligations de base envers les travailleurs. Cherchant à améliorer la situation, le syndicat présenta un cahier de doléances.
Les négociations, qui n’avançaient pas, se retrouvèrent suspendues lorsque la Loi de défense sociale fut approuvée. United Fruit refusa le cahier de doléances, le qualifiant de subversif. Les travailleurs n’avaient plus d’autre solution que la grève, qui commença le 12 novembre 1928. La consigne était : « Pour l’ouvrier et pour la Colombie ». Evidemment, le mouvement fut catalogué comme « subversif » par le gouvernement, la hiérarchie et la presse. On alla jusqu’à dire que des agents de Moscou étaient venus dans la région pour préparer une insurrection.
Les dirigeants de United Fruit exigèrent du gouvernement la présence de l’armée. Le président Miguel Abadía Méndez répondit en déclarant l’état de siège dans la zone, et en chargeant le général Carlos Cortés Vargas d’en finir avec la « bande de malfaiteurs ». L’état-major prit ses quartiers dans les dépendances de la compagnie. Il fallait en priorité protéger la vie des dirigeants de United Fruit, tous américains, car on racontait que les travailleurs allaient les égorger ainsi que leurs familles.
Miguel Abadia Mendez était président de la République de Colombie,en 1928.C’est lui ,la marionnette de l’impérialisme sauvage américain.
Le corps des officiers recevait alcool, cigarettes, salaire et pouvait s’adonner à de grandes bacchanales avec des prostituées « recueillies » dans la région (3). Les conditions de travail se détériorèrent ; les travailleurs organisèrent des meetings permanents et des blocages de la voie ferrée utilisée pour emmener les bananes au port.
Le 5 décembre, on convoqua les grévistes au village de Ciénaga sous prétexte d’y recevoir le gouverneur qui allait probablement participer aux négociations. Mais il n’arriva jamais. A sa place, c’est le général Cortés Vargas qui, à 23 h 30, ordonna la dissolution de « toute réunion de plus de trois individus » et menaça de « tirer sur la foule si nécessaire ».
Deux heures plus tard, alors que quelques grévistes criaient « Vive la Colombie ! », « Vive l’armée ! », et refusaient de vider les lieux, le général donna l’ordre aux soldats placés sur les toits et armés de mitrailleuses d’ouvrir le feu (4). Plus tard, le militaire déclara : « Il fallait absolument que la loi soit respectée, et elle l’a été. »
Le général Carlos Cortes Vargas…de triste mémoire.
On a calculé qu’il y avait là environ cinq mille paysans, dont beaucoup étaient accompagnés de leurs femmes et enfants. Ceux qui ne moururent pas sur le coup furent achevés à la baïonnette ou enterrés vivants dans des fosses communes par les trois cents soldats. On embarqua dans les trains de l’entreprise des centaines de cadavres qui furent jetés à la mer comme les bananes de mauvaise qualité.
On ordonna de poursuivre tous les survivants, qu’ils aient travaillé ou pas pour United Fruit. Par centaines, ils furent battus et emprisonnés, tandis que des tribunaux militaires jugeaient rapidement les leaders ouvriers. La tuerie dura plusieurs jours, jusqu’à ce que, malgré la censure de la presse, la nouvelle se répande à travers le pays et que des manifestations éclatent.
Pour United Fruit et le gouvernement, les choses suivaient leur cours comme s’il ne s’était rien passé, à tel point que le général Cortés Vargas signa pour les travailleurs un « accord professionnel ».
Quelques travailleurs organisèrent une sorte de guérilla. Ils brûlèrent des plantations, sabotèrent les lignes télégraphiques et électriques, coupèrent les voies ferrées de l’entreprise. La zone fut militarisée pendant près d’un an.
Le général Cortés Vargas reconnut neuf morts. Le gouvernement, treize, et dix-neuf blessés. Le 16 janvier 1929, Jefferson Caffery, un diplomate américain rapporta au département d’Etat : « Le représentant de United Fruit Company à Bogota m’a dit hier que le nombre de grévistes tués par les Forces armées colombiennes dépasse le millier. » De fait, la commission d’enquête du Congrès, menée par Gaitán, découvrit des fosses communes. Le nombre des victimes dépassait les mille cinq cent.
L’homme qui apparait à gauche sur cette photo datant à peu près de 1929,est Jorge Eliecer Gaitan,un grand leader que le massacre fera découvrir au peuple.
Les dirigeants de la grève des travailleurs dans les plantations bananières. De gauche à droite: Pedro M. del Río, Bernardino Guerrero, Raúl Eduardo Mahecha, Nicanor Serrano y Erasmo Coronel. Guerrero y Coronel ont été assassinés par l’armée colombienne.
Le général Cortés Vargas justifia sa décision en prétextant une situation insurrectionnelle, qui aurait pu provoquer un débarquement des troupes étasuniennes pour protéger les intérêts de la compagnie fruitière. Le président de la République le félicita d’avoir sauvé le pays de l’anarchie. Un éditorial du quotidien libéral El Tiempo, le 17 décembre, s’interrogeait néanmoins : « Reste à savoir s’il n’existait pas de mesures plus efficaces que celles de consacrer la moitié de l’armée de la République à massacrer des travailleurs. »
Durant la présentation de l’enquête parlementaire, en septembre 1929, Gaitán pointa un doigt accusateur en direction de l’oligarchie, considérée comme responsable du massacre. A propos du clergé, il dit : « Ce sont des pharisiens qui trahissent leur doctrine. » Gaitán constata qu’on avait appliqué contre les grévistes, et en faveur des intérêts américains, la politique de « l’ennemi intérieur » : « Je ne nie pas, moi, qu’une grande agitation pour la justice sociale parcourt le pays (…). Elle existe, non pas comme le fruit du communisme, mais comme la raison vitale d’un peuple qui veut se défendre contre la caste des politiciens sans scrupules (…). Nous savons que dans ce pays le gouvernement a pour les Colombiens la mitraille homicide et que pour l’or américain il met genou à terre en tremblant (5). »
Jorge Eliécer Gaitan s’adressant au peuple.
Le massacre des bananeraies n’eut aucune conséquence pénale ou politique. Le général Cortés Vargas fut promu directeur de la Police nationale. Il fut finalement destitué, non pas pour le massacre des bananeraies mais pour l’assassinat d’un jeune, le 8 juin 1929, lors d’une manifestation dans les rues de la capitale. Il s’agissait d’un étudiant issu de l’élite de Bogota, fils d’un ami du président Abadía. L’oligarchie et le haut clergé furent scandalisés.
LES PHOTOS QUI ONT SCANDALISÉ LE MONDE
Les travailleurs dans les bananeraies contrôlées par les compagnies capitalistes américaines étaient en état de survie et de surexploitation.Rare photo donnant un aperçu des massacres.
Peu après 1928,les campesinos ,milices du peuple ,commencent à s’organiser pour résister à l’impérialisme.
Au début du 20 ième siècle,beaucoup d’enfants travaillaient dans les mines d’émeraudes,en Colombie.Comme cette petite fille.
Devant la révolte des travailleurs,le gouvernement colombien instaure un contrôle des déplacements des personnes.On a peur des réactions des travailleurs.Ici ,un contrôle des gens qui vont à l’épicerie…tous en même temps.
Le 18 juillet 1929, Jorge Eliécer Gaitán décide de se rendre dans la zone bananière pour une durée de dix jours, afin de mettre en lumière les évènements qui s’y sont déroulés. Il y effectue plus d’une centaine d’entrevues avec des ouvriers et des habitants de la zone, prend des photographies de cadavres sans sépulture et des dégâts commis à Ciénaga, qui avaient été alors attribués aux grévistes. Cependant, selon les recherches de Gaitán, ils auraient été faits par les troupes du général Cortés Vargas, selon ses ordres. De retour à Bogota, il dénonce du 3 au 6 septembre 1929 le massacre et les injustices commises à Ciénaga par le gouvernement et l’armée nationale. Cette dénonciation se transforme en débat public contre le gouvernement de Miguel Abadía Méndez et l’armée nationale. Les débats, qui se déroulent dans la Chambre des représentants pendant deux semaines, permettent d’obtenir la libération de plusieurs ouvriers ainsi qu’une reconnaissance pour les veuves et les orphelins des travailleurs assassinés. En dénonçant le massacre des bananeraies, Gaitán parvient à gagner la reconnaissance nationale, devenant une figure politique populaire qui œuvre en faveur des intérêts des travailleurs. Il augmente le sentiment d’opposition de la population face au parti conservateur, définissant le gouvernement conservateur de l’époque comme une « marionnette du capitalisme américain » qui tue ses propres citoyens au profit d’investisseurs étrangers.
En 1931, à la suite de l’arrivée au pouvoir du libéral Enrique Olaya Herrera qui le soutient, Jorge Eliécer Gaitán devient président de la Chambre des Représentants et président de la Direction nationale libérale (Dirección Nacional Liberal). En 1932, il est nommé recteur de l’Université libre (Universidad Libre) fondée à Bogota le 13février1923 par Benjamín Herrera. Pendant qu’il occupe ce poste à l’université, il lance des réformes conçues pour inciter à avoir un esprit « d’investigation scientifique » et supprime d’anciennes méthodes éducatives, où l’apprentissage « par cœur » était privilégié. Il crée de nouveaux champs de spécialisation dans le droit, les sciences sociales et l’administration, développant dans un même temps des cours du soir pour les travailleurs et la classe moyenne.
En novembre 1932, il voyage dans différents pays latino-americains, allant notamment au Mexique où il a l’opportunité d’expliquer la position de la Colombie dans le conflit l’opposant au Pérou depuis le 1erseptembre1932, date à laquelle un groupe de civils péruviens, sous la conduite de l’ingénieur Oscar Ordónez et du sous-lieutenant Juan de la Rosa, ont attaqué la population colombienne de Leticia. Cette attaque est le résultat de l’insatisfaction engendrée par le traité Salomón–Lozano signé le 24mars1922 entre la Colombie et le Pérou et délimitant la frontière entre ces deux pays afin de mettre fin au différend territorial qui les oppose.
La politique du gouvernement d’Olaya Herrera le déçoit, les propositions de réforme constitutionnelle et sociale des libéraux radicaux étant repoussées par le gouvernement. À partir de cet instant, l’objectif de Gaitán est de rompre avec le bipartisme et l’hégémonie des deux grands partis historiques : conservateur et libéral. Il décide donc de créer une troisième force politique dans un contexte latino-américain marqué par l’émergence de leaders et de mouvements populistes dans toute la région.
Rupture avec le Parti libéral
Carlos Arango Vélez, avec qui Jorge Eliécer Gaitán crée l’UNIR.
En octobre 1933, il décide de rompre avec le Parti libéral et crée, avec Carlos Arango Vélez, l’Unión Nacional Izquierdista Revolucionaria (UNIR ou Union nationale de gauche révolutionnaire). Gaitán souhaite y développer sa conception politique tant au niveau idéologique qu’organisationnel. Il met en place une action politique permanente, organise des commissions locales et cherche à créer des mécanismes permettant une relation étroite entre les dirigeants et leurs partisans. Dans le périodique de l’UNIR créé en 1933, Unirismo qui sort rapidement 15 000 exemplaires toutes les semaines, sont notamment publiés des informations nationales et internationales, des analyses politiques ainsi que des dessins révolutionnaires de David Alfaro Siqueiros et d’autres peintres. En plus d’Unirismo qui est distribué à Bogota, des journaux régionaux de l’UNIR sont publiés sous différents noms à Socorro, Medellín, Barranquilla, Campoalegre et Pereira. Selon le programme El manifesto del unirismo entièrement rédigé par Gaitán, les principales orientations globales énoncées sont :
la réalité détermine les concepts, pas le contraire ;
la réalité fondamentale est de nature économique ;
les bases de la politique sont donc des relations économiques et non des principes abstraits ;
il existe deux forces opposées : les détenteurs des moyens de production et ceux qui ne peuvent que fournir la main d’œuvre ;
dans cette lutte, l’État est l’arbitre qui intervient dans le processus économique et social afin d’assurer la justice sociale et d’empêcher l’exploitation de l’homme par l’homme ;
l’État doit fonctionner selon les principes démocratiques, en faveur de la majorité, c’est-à-dire les démunis en Colombie, et assurer l’égalité pour tous ;
la réalisation de l’égalité, notamment dans les hautes sphères de l’économie, nécessité une économie planifiée et régulée ainsi que l’intervention de l’État ;
l’intervention de l’État est basée sur des critères sociaux, à savoir le socialisme d’État.
À travers ces orientations globales, Gaitán axe son programme sur trois thèmes :
la vie économique. Pour cela, l’État doit être un élément décisif dans la vie économique de la nation. Il doit réaliser la planification et la direction globale de l’économie, intervenir et investir si nécessaire ainsi que réguler et surveiller différentes composantes économiques, tels que les sociétés anonymes, les établissements bancaires et de crédit ou les entreprises commerciales et agricoles ;
la vie sociale. La priorité de Gaitán dans ce domaine est l’éducation qu’il souhaite notamment centraliser et rendre gratuite à tous les niveaux ;
la structure étatique. Il veut que l’État soit le représentant de toutes les classes, mais plus particulièrement le défenseur de ceux qui en ont le plus besoin. Une réforme constitutionnelle est également envisagée. Elle limiterait la puissance du président en Colombie, forçant les gouvernements à être plus sensibles aux intérêts publics représentés au congrès et à mettre en place les programmes des partis politiques.
Cependant, les conservateurs et les libéraux exercent une véritable pression sur l’UNIR et ses membres. Ainsi, le secrétaire général de l’UNIR de la ville de Socorro, Pedro Elias Jurado, est assassiné. Plusieurs membres sont arrêtés de façon arbitraire ou subissent des manœuvres d’intimidation par la police. D’autres voient même leurs maisons détruites. Une manifestation présidée par Gaitán à Fusagasugá, le 4février1934, est réprimée violemment par la police et un groupe de libéraux, entraînant la mort de quatre personnes[1]. En octobre 1934, moins de deux ans après la création de l’UNIR, une rumeur circule sur la réintégration probable de Gaitán au sein du Parti libéral. Elle semble se confirmer, puisque lors des élections législatives du 26mai1935, il est inscrit sur une liste proposée par les libéraux et non sur une de l’UNIR qui a pourtant des candidats en lice« . En plus des pressions subies par l’UNIR, Gaitán est conscient des difficultés qu’il va devoir affronter pour mettre en place son programme politique sans le soutien du parti libéral. Ainsi, en 1935, il abandonne le parti qu’il a créé pour réaliser ses ambitions personnelles, constatant qu’il est impossible de mettre fin au monopole des libéraux et des conservateurs sur la scène politique. Selon Fermín López Giraldo, un des membres de l’UNIR, Gaitán aurait secrètement accepté l’offre des libéraux qui lui proposaient un siège à la chambre des représentants.
Mandat de maire
Façade du théâtre Jorge Eliécer Gaitán, à Bogota.
Après l’échec de Unión Izquierdista Revolucionaria, Jorge Eliécer Gaitán décide de réintégrer le Parti libéral en 1935. Il devient maire de Bogota le 8juin1936, après avoir été conseiller municipal, poste occupé depuis 1930. Il souhaite améliorer les services publics de la ville tout en appelant à d’importantes réformes sociales. Dans un premier temps, il décide de nommer quinze conservateurs à des postes municipaux importants. Il souhaite ainsi ne pas faire intervenir la politique au sein d’un gouvernement municipal, sachant, qu’habituellement, le parti dominant occupe tous les postes bureaucratiques. Cependant, au regret de Gaitán, les dirigeants du parti conservateur s’opposent catégoriquement à cette idée.
Dans un de ses premiers décrets en tant que maire, qui a pour objectif d’améliorer l’efficacité globale, Gaitán instaure notamment une semaine obligatoire de quarante-quatre heures pour les employés municipaux et centralise le système de communication interne des bureaux municipaux, afin d’assurer un contrôle plus strict. Par la suite, il décrète une campagne générale de nettoyage de la ville. Il fait ainsi retirer le surplus de publicités désagréables, fait construire des trottoirs, planter des arbres, repeindre des établissements commerciaux, ajouter de l’éclairage public, et transférer les enfants errants vers des foyers pour enfants. Alors que la population de Bogota ne cesse de croître, il concentre ses efforts sur l’ouverture de centres commerciaux et l’amélioration de quartiers urbains en mettant en place un réseau de transport et en améliorant les chaussées du réseau routier menant vers ces zones. Gaitán s’intéresse aux plus démunis et souhaite leur donner accès aux équipements sanitaires. Pour cela, il fait construire des bains publics et met en place des campagnes éducatives sur la santé publique dans les quartiers défavorisés. Il fait fermer des écoles qui sont en piteux état, en fait construire sept autres et en fait rénover plusieurs en ajoutant, l’eau, l’électricité et les égouts.
Dans le cadre du décret 425 de 1936 qui fait partie de la campagne « pour rendre propre les employés du service public et leur donner un sens du décorum et de la responsabilité », « les chauffeurs publics de taxi et de bus utilisent des chaussures, des chapeaux, des chemises et des combinaisons prescrites ». Cependant, l’Association nationale des chauffeurs (ANDEC ou Asociación nacional de choferes) s’oppose violemment à ce décret car elle estime qu’il est en violation avec les droits des personnes.
Finalement, après huit mois en tant que maire, Gaitán est destitué de sa fonction le 14février1937 à la suite des pressions exercées par le président de l’époque, Alfonso López Pumarejo, qui parvient à mobiliser l’opposition de quelques secteurs politiques au niveau national contre ses réformes. Cependant, en septembre 1937, Gaitán est réélu au conseil municipal de Bogota, grâce notamment aux quartiers populaires qui votent en sa faveur. Entre 1938 et 1940, Gaitán effectue quelques voyages internationaux et continue son activité juridique. En 1939, il est élu magistrat de la Coupe suprême de Justice.
LES GRANDES RÉALISATIONS DE GAITAN EN TANT QUE MAIRE DE BOGOTA
PHOTOS:
Plantations d’arbres dans les rue de la ville de Bogota.Introduction de l’eau courante et des égouts dans les quartiers ouvriers de Bogota.
Arrivée de l’eau potable aux maisons des travailleurs.Il fut le premier politicien colombien à travailler pour le peuple.
Ce fut un des plus grands travaux de l’histoire de Bogota.
Durant l’été 1939, alors qu’il vient de subir un échec en ne parvenant pas à obtenir une place sur la liste électorale du Parti libéral pour la Chambre des représentants, Gaitán décide de redorer son image. Pour cela, il entame une tournée nationale pour expliquer sa position au peuple. Dans son premier discours, qui se tient au théâtre municipal de Bogota, il dit ce qu’il a l’intention de faire après 1944. Il attaque également les dirigeants du Parti libéral, notamment le groupe de López Pumarejo, les accusant de mentir aux gens en se dissimulant derrière de belles paroles. Eduardo Santos, qui est élu président de la République en 1938, lui propose dans un premier temps le poste de président de la Cour suprême. Gaitán refuse, car cette fonction ne pourrait pas le laisser agir en toute liberté sur le plan politique. Santos lui propose alors le poste de ministre de l’Éducation. Gaitán accepte l’offre, notamment parce que cela allait lui permettre de se lancer dans quelques actions populaires dans un secteur qui en a fort besoin et de démontrer ce qu’il pourrait faire en tant qu’administrateur. Il prend ses fonctions le 1erfévrier1940, et ce jusqu’au 15février1941.
Durant cette courte période, ses objectifs en tant que ministre sont de démocratiser la culture et de nationaliser l’enseignement primaire. Pour cela, il voyage au centre et au sud de la Colombie afin de visiter des écoles et d’expliquer les orientations que va prendre son ministère à des groupes éducatifs et aux conseils municipaux. Il parvient même à convaincre la plupart des conseils à engager des fonds pour la construction ou la rénovation d’écoles. Il crée des cours par correspondance pour que les enseignants puissent améliorer leurs qualifications professionnelles. Dans le secteur de l’enseignement supérieur, d’éminents universitaires et scientifiques sont intégrés à l’Ateneo de Altos Estudios créé pour faire avancer la recherche dans divers domaines tels que les sciences naturelles, les mathématiques ou l’ethnographie. Dans les quatorze établissements d’enseignement secondaires qui sont directement sous les ordres du ministère de l’Éducation, le programme d’études est réorganisé pour que les mathématiques, les sciences, les sciences sociales et les langues soient davantage enseignés. Des cours alternatifs pour les étudiants techniques et scolaires y sont également proposés. En raison du faible niveau technique de la Colombie, Gaitán œuvre pour améliorer la qualité des enseignements industriels, en révisant notamment le programme d’études des écoles industrielles. Il fait construire plusieurs nouvelles écoles ainsi que des instituts agricoles afin de développer l’éducation industrielle. Par ailleurs, Gaitán lance une campagne d’alphabétisation : des bibliothèques mobiles sont mises en service, des foires aux livres sont tenues dans les villes importantes, des concerts et des spectacles sont joués en plein air et des expositions d’art itinérantes sont organisées.
Cependant, Jorge Eliécer Gaitán ne parvient pas à faire nationaliser l’éducation primaire. Alors qu’il souhaite centraliser le système scolaire et rendre le gouvernement national responsable de l’éducation primaire, sa proposition de loi est rejetée par le Congrès. Pourtant, les organisations d’enseignants sont en faveur de ce changement. Mais, les conservateurs, avec Leopard Silvio Villegas à leur tête qui est soutenu par l’Église, voient cette réforme comme un affront à la liberté d’enseignement. En fait, le véritable problème est le débat entre le choix du centralisme ou du fédéralisme. Les conservateurs et les libéraux, qui refusent de voir leurs élus locaux être privés de leur emprise sur la distribution de faveurs et l’adjudication de contrats, joignent leurs forces pour rejeter la proposition de Gaitán malgré son discours expliquant la rationalité de son approche sur un des graves problèmes de la Colombie. Face à cette opposition, Gaitán démissionne de ses fonctions le 15février1941.
Néanmoins, en avril 1942, Gaitán est élu sénateur pour le département de Nariño. Il en profite pour attaquer la seconde administration de López qu’il estime touchée par la corruption et les scandales. En septembre de la même année, il est nommé président du Sénat[1],[B 15]. Par la suite, sous la présidence d’Alfonso López Pumarejo puis celle de Darío Echandía qui assure l’intérim pendant une courte période, Gaitán obtient le poste de ministre du Travail du 8octobre1943 au 6mars1944. Pendant son bref mandat, il essaie sans succès de faire passer une législation en faveur des ouvriers et parvient à faire exécuter quelques mesures administratives favorisant les syndicats lors de conflits avec les employeurs.
En 1944, Gaitán décide de lancer sa candidature pour l’élection présidentielle de mai 1946, et ce dans une atmosphère de polarisation politique et de rupture économique, idéale pour sa campagne populiste. Se rappelant l’échec de l’UNIR, il décide de rester avec le Parti libéral et de constituer un mouvement appelé « mouvement gaitaniste » (Movimiento gaitanista). À partir de mai 1944, les gaitanistes créent leur propre périodique, Jornada[1]. Début 1944, les premières organisations gaitanistes commencent à se former dans les plus grandes villes provinciales du pays, notamment sur la côte nord. Le 28 janvier de cette même année, Sociedad Jorge Eliécer Gaitán, organisme précurseur du « Comité Departemental », est fondé à Barranquilla. Le mouvement gaitaniste qui se développe après 1944 devient l’expression du ressentiment contre le système actuel. Il profite du mécontentement des masses qui sont témoins de l’enrichissement et de la spéculation alors qu’il vivent dans la misère et qui, en conséquence, commencent à développer une « conscience révolutionnaire ». Le mouvement fait appel aux intérêts fondamentaux des travailleurs des grandes villes, des secteurs les plus radicaux de la population rurale, des gens de la petite bourgeoisie les plus progressistes et de la jeunesse.
Photo de Jorge Eliecer Gaitan prise en 1936.
Lors de la campagne présidentielle, Gaitán manœuvre entre les deux partis principaux, attaquant aussi bien les conservateurs que les libéraux. Il profite des animosités traditionnelles entre les chefs des deux partis, comblant le vide dû aux différences entre ces groupes politiques. Dans une certaine mesure, Gaitán est idéologiquement et politiquement près des conservateurs, sa critique du capitalisme au nom d’un ordre moral supérieur touchant une corde sensible. En effet, la lutte de Gaitán leur rappelle leur propre vision utopique d’une société libre de préjugés raciaux et de classes où une personne méritante et ambitieuse peut se hisser en haut de l’échelle sociale[21]. Les conservateurs font diverses tentatives pour parvenir à un accord avec Gaitán. Ainsi, Laureano Gómez soutient le « candidat du pueblo », et jusqu’à un mois avant les élections, le périodique journalier conservateur El Siglo est le porte-parole officieux de Gaitán. Les relations entre les deux hommes politiques sont suffisamment étroites pour que des rumeurs courent sur le fait que les conservateurs aient financé la campagne de Gaitán. La tentative la plus sérieuse pour attirer Gaitán dans le camp des conservateurs a lieu fin 1942, avant même le début de sa campagne. Rafael Azula Barrera, leader et penseur conservateur, avec le poète conservateur Eduardo Carranza, le libéral Eduardo Caballero Calderón et quelques technocrates apolitiques, lui demandent de mener avec eux une croisade nationale bipartite. Ils lui proposent « un parlement moral » composé de personnes d’expertise technique reconnue pour s’opposer au « parlement des politiciens ». Bien que Gaitán semble enthousiaste à cette suggestion, cette dernière restera sans suite, le chef du Movimiento gaitanista acceptant sa nomination pour la présidence en septembre 1945. Selon Azula Barrera, Gaitán se serait rappelé son échec avec l’UNIR et aurait choisi de rester sous le couvert du libéralisme.
Lors de sa campagne populiste où il parvient à attirer des libéraux et certains groupes de conservateurs, Gaitán utilise pour thèmes l’opposition contre l’oligarchie économique et politique ainsi que la restauration morale et démocratique de la république. Lors de son discours d’ouverture de sa campagne au théâtre municipal à Bogota, Gaitan explique ce qu’il veut dire par « oligarchie » et comment elle interfère avec le développement des personnes. Il finit son allocution en scandant les slogans du mouvement gaitaniste : « Peuple ! Pour la restauration morale de la Colombie, à l’attaque ! Peuple ! Pour la démocratie, à l’attaque ! Peuple ! Pour la victoire, à l’attaque ! ». Selon un de ses collaborateurs, Francisco José Chaux, Gaitan considère le libéralisme comme un instrument politique pour servir et augmenter le niveau de vie des personnes ainsi que pour réaliser une société égalitaire fondée sur l’étude, le travail, la compétence et le sens de responsabilités de chaque individu. Gaitán parvient à obtenir les fonds pour financer sa campagne grâce aux cotisations des membres actifs du mouvement, aux ventes des obligationsPro-Candidatura Gaitán et à l’organisation de festivals publics, de soirées dansantes et de bazars. Dans un discours en 1947, Gaitán admettra même avoir reçu 3 500 pesos de la part des conservateurs sur les 300 000 pesos de contributions totales pour sa campagne.
Un des plus grands orateurs de l’histoire de la Colombie et l’un des politiciens les plus aimés de son peuple. Voici Jorge Eliécer Gaitan dans sa pose la plus célèbre.
Grâce à un travail d’organisation qui dure plusieurs mois, une convention populaire et démocratique est conclue le dimanche 23septembre1945 dans les arènes de Santamaría, à Bogota. Elle proclame Gaitán comme étant le candidat du peuple. Les analystes considèrent qu’il représente un nouveau mouvement qui s’est transformé en alternative politique soutenue par un mouvement social. Cependant, ses positions idéologiques sont souvent décrites comme ambiguës et contradictoires en raison de la confusion qu’elles suscitent. Bien que les femmes colombiennes ne peuvent pas voter, n’obtenant le droit de vote qu’en 1954, Gaitán, qui revendique les droits de la femme, insiste pour qu’elles jouent un rôle actif dans le mouvement. Le 20avril1946, dans un de ses discours coutumiers au Théâtre municipal, Gaitán définit la différence entre la notion de « pays politique » et celle de « pays national », jugeant qu’il y a deux pays en Colombie, ayant chacun leurs propres objectifs. Le « pays politique » ne penserait qu’à ses emplois, ses mécanismes et son pouvoir tandis que le « pays national » pense à son travail, à sa santé et à sa culture qui sont omis par le « pays politique ».
Lors des élections du 5mai1946, gagnées par le conservateur Mariano Ospina Pérez, le candidat officiel du Parti libéral Gabriel Turbay obtient la deuxième place, juste devant Gaitán qui parvient pourtant à obtenir la majorité dans les principaux centres urbains du pays. À la suite de la victoire du candidat conservateur, plusieurs des associés proches de Gaitán, menés par Jorge Uribe Márquez et J.A Osorio Lizarazo, planifient une grève pour renverser le gouvernement, « imposer la volonté des personnes et tirer profit de l’atmosphère agitée et séditieuse que l’éloquence de Gaitán avait créée », ce que refuse Gaitán, déclarant qu’il était un avocat qui respectait la loi et qu’il conduirait son mouvement selon les normes constitutionnelles. Dans son discours post-électoral du 7mai1946, Gaitán appelle la population à l’ordre et à l’organisation plutôt qu’à l’anarchie, reconnaissant officiellement la victoire d’Ospina.
Candidature à l’élection présidentielle de 1950
Après les résultats de l’élection présidentielle de 1946, Jorge Eliécer Gaitán entame sa campagne « Por la reconquista del poder » (« À la reconquête du pouvoir ») pour celles qui doivent se dérouler en 1950. Le 18janvier1947, une convention populaire a lieu afin de choisir les candidats aux élections du Congrès, durant laquelle sont présentés les bases et les nouveaux statuts du parti libéral dans les documents intitulés Plataforma del Colón, qui préconisent une démocratie sociale et économique.
Les résultats des élections législatives de mars 1947 mettent Gaitán en position de force au sein du parti libéral. Durant le printemps 1947, tout en entamant des pourparlers pour créer une unité avec les libéraux, il entame une série de consultations avec les chefs officiels des partis provinciaux pour solidifier sa position, comprenant que la victoire en 1950 dépend de l’unité de tous les libéraux. L’alliance gaitanista-libérale est donc purement tactique. Les deux factions continuent ainsi de profiter des occasions de se discréditer entre elles au sein du parti.
En juin 1947, lors d’une séries de réunions publiques ayant pour sujet les élections municipales qui doivent se dérouler en octobre de la même année, le leadership de Gaitán au sein du libéralisme est ratifié. La majorité des libéraux nouvellement élus sénateurs et députés rencontrés se concertent durant trois jours et élisent à l’unanimité Gaitán « Jefe Unico » (« chef unique ») du parti le 11 juin. Pendant la campagne pour les élections du conseil municipal, le nouveau leader du Parti libéral fait appel à la population pour le rejoindre dans sa lutte contre les oligarchistes. En dépit des actes de violence et de l’impossibilité des libéraux de voter dans plusieurs endroits parce qu’ils manquaient de garanties en matière de sécurité, ils parviennent à battre les conservateurs par 659 625 votes contre 521 845 et à faire élire 396 conseillers municipaux contre 273 pour les conservateurs. De plus, les libéraux parviennent à s’imposer dans toutes les villes principales du pays, hormis à Pasto. Ils l’emportent ainsi dans tous les départements exceptés ceux de Nariño, Norte de Santander et Boyacá. Ils parviennent même à gagner, bien que les résultats soient serrés, dans les départements d’Antioquia, de Caldas et de Cauca, autrefois hostiles à Gaitán. Finalement, le 24octobre1947, les membres libéraux du Congrès proclament Jorge Eliécer Gaitán comme étant leur candidat officiel pour les élections présidentielles de 1950.
En 1948, quelques mois avant sa mort, Gaitán est nommé docteur honoris causa par l’Universidad Libre en sciences politiques et sociales. Le 7février1948, il organise la Marcha del Silencio (Marche du silence). Lors de cette manifestation politique, il demande au président Ospina que cessent les persécutions des autorités sur les libéraux, le gouvernement souhaitant restreindre les garanties politiques du parti libéral. Deux semaines après, la presse libérale dénonce le fait que le nom de Gaitán soit supprimé de la délégation colombienne pour la IXe Conférence Panaméricaine qui a lieu à Bogota.
Un assassinat mystérieux
Photo du meurtre de Jorge Eliécer Gaitan.
Le 9avril1948, à 13 h 05, Jorge Eliécer Gaitán est assassiné à la sortie de son bureau. Alors qu’il se rendait à une invitation du libéral Plinio Mendoza Neira, accompagné de trois de ses amis, Jorge Padilla, Alejandro Vallejo et Pedro Eliseo Cruz, un jeune homme du nom de Juan Roa Sierra tire trois fois sur l’homme politique. Une des balles perce les poumons de Gaitán tandis qu’une autre se loge à la base de son crâne. Emmené d’urgence par un taxi à la Clínica Central, il meurt aux environs de 14 h 00, alors que son ami et médecin Pedro Eliseo Cruz s’apprête à lui pratiquer une transfusion de sang. Après avoir tiré un quatrième coup en l’air, Roa Sierra s’échappe mais est capturé un peu plus loin par un policier, Carlos Alberto Jiménez Díaz, qui lui demande : « Dis-moi qui t’a donné l’ordre de tuer sinon tu seras lynché par le peuple ». Alors que le policier s’était enfermé avec le meurtrier dans une boutique, plusieurs personnes défoncent la porte, s’emparent de Roa Sierra et le frappent à mort, son corps étant ensuite traîné le long de la Carrera Séptima jusqu’à la place présidentielle. La mort de Juan Roa Sierra, tué par une foule en colère, empêche cependant de connaître les motivations qui l’ont poussé à commettre cet acte.
Aujourd’hui encore, les commanditaires de ce crime restent inconnus. Gaitán avait de nombreux ennemis tels que l’oligarchie colombienne, présente aussi bien au sein du Parti conservateur que de son propre parti, et qu’il n’a jamais cessé de dénoncer, le Parti communiste qui voyait en lui un adversaire d’autant plus dangereux qu’il était populaire. Il a également été dit que la CIA était impliquée dans son assassinat car elle ne souhaitait pas que Gaitán puisse mettre ses réformes sociales en place, ce qui aurait nui aux intérêts des compagnies bananières américaines telles que la United Fruit Company. Le doute demeure sur son implication, la CIA ayant détruit en 1972 tous les documents qu’elle avait sur lui].
Selon de nombreuses spéculations, Gaitán aurait été vraisemblablement élu président de la République s’il n’avait pas été assassiné le 9avril1948. À la suite de cet assassinat, une insurrection armée, appelée Bogotazo, éclate. Cette période de troubles est le premier épisode de La Violencia. Gaitán, qui s’opposait à l’usage de la violence, était déterminé à poursuivre la stratégie d’élire un gouvernement de gauche, reniant l’approche révolutionnaire communiste violente typique de la guerre froide. Son assassinat aboutit à une période de grande violence entre les conservateurs et les libéraux, facilitant également l’émergence de deux groupes de guérilla marxistes : les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et l’Armée de libération nationale (ELN). D’après sa fille Gloria, Gaitán disait que si on l’assassinait, « l’oligarchie sait que le pays se soulèvera, et cela durera plus de 50 ans ». De fait, même si la violence en 2014 n’a plus l’intensité du début des années 1950, la Colombie n’a pas connu de paix stable depuis plus de 60 ans.
BOGOTAZZO ET LA VIOLENCIA
Voici des photos de la période critique suivant l’assassinat de Gaitan.
Les événements:
À la suite du meurtre de Jorge Eliécer Gaitán, alors considéré comme vainqueur probable des prochaines élections présidentielles, par Juan Roa Sierra pour des motifs inconnus, la foule déchainée met à mort l’assassin, puis envahit et saccage le Capitolio, où se tenait la conférence de l’Organisation des États américains. En l’absence de la police et de l’armée, les pillages se multiplient. Après s’être emparés d’une station de radio, des partisans de Gaitán appellent le président Mariano Ospina Pérez à démissionner. Ce dernier, son cabinet et les dirigeants libéraux ne parviennent pas à un accord sur les mesures à adopter et la situation ne cesse d’empirer, et la violence s’étend à d’autres villes: Medellín, Ibagué et Barranquilla.
Quand, après plusieurs jours de tueries, pillages et incendies, l’ordre est finalement rétabli par l’intervention de l’armée, le bilan s’établit à près de 1 900 morts , des milliers de blessés et 136 édifices détruits, dont le palais historique de San Carlos, le palais de justice et le couvent dominicain.
Page d’un journal de 1973 commémorant l’événement.
Immédiatement après le meurtre de Gaitan,la colère s’empare du peuple.
Le peuple tout entier descendit dans la rue.
La violence augmenta et le peuple s’en prit aux édifices du gouvernements et des entreprises américaines.
On peut lire la colère sur les visages des gens.
Un tramway complètement rasé par le feu.
Des immeubles incendiées.
…
Puis lentement l’arrivée des soldats.Équipée en grande partie de matériel militaire d’origine allemande,l’armée s’intalla à demeure.
Une partie de l’armée colombienne semble être équipée de matériel américain…à moins qu’ils s’agissent de « conseillers militaires ».
L’attaque des militaires.
Après l’attaque des militaires,les rues étaient couvertes de cadavres…des ouvriers et des manifestants.
Il existe de nombreuses photos de morts dus à cet événement.
*(à suivre …: tître de la suite: L’United Fruit Company et la mise en esclavage du peuple colombien par l’oligarchie
Sources:
Hernando Calvo Ospina
Wikipédia ,documents personnels.
(1) Hernando Calvo Ospina, Colombie, derrière le rideau de fumée, Le Temps des Cerises, Pantin, 2008.
(2) Ignacio Rengifo, Memorias del Ministerio de Guerra, Bogotá, 1927.
(3) Le développement de la grève et la répression qui s’abat ensuite sur les travailleurs sont décrits dans l’enquête réalisée par le député libéral Jorge Eliécer Gaitán (assassiné en 1948), et présentée au Congrès colombien en septembre 1929.
(4) Ricardo Sanchez, Historia Política de la Clase Obrera en Colombia, Ed. La Rosa Roja, Bogota, 1982.
(5) Gaitán, candidat aux présidentielles, devenu l’ennemi de l’oligarchie, fut assassiné le 9 avril 1948 à Bogota. Ce qui déclencha une période connue sous le nom de « la Violence », qui en six ans causa la mort de trois cents personnes, presque tous des paysans.
1914 – 1944 – 2014 Ukraine, Russie, « Europe », Une relecture « européenne » du cycle de GABRIEL GARCIA MARQUEZ, ou : Du cycle imaginaire de MACONDO, vu comme Parabole du Siècle écoulé, (Mais pas tout à fait… !)
Alors que la tension monte entre la Russie et les USA, autour du sort de l’Ukraine, le discours commun, vu par les « pacifistes », les « antinucléaires », et autres utopistes, tout comme celui, tout à fait officiel, des souteneurs du coup d’état « Euro-Maïdan », est de pousser des cris d’orfraie, contre un « retour de la guerre froide » !
Comme si le siècle passé, en 2014, n’était pas encore tout à fait mort…
Les frontières entre les siècles semblent donc livrées à l’instabilité des conflits…
L’année 1914 est le plus souvent considérée comme la fin réelle du 19e siècle.
2014 devait être l’année où cette fin apocalyptique du 19e siècle pourrait enfin descendre des monuments pour rentrer dans les livres d’histoires, que les enfants modernes, du reste, ne lisent plus…
Et c’est le moment où Gabriel Garcia Marquez nous quitte, loin de son pays natal, où la paix n’est jamais véritablement revenue…
La guerre civile en Colombie est une prolongation bien réelle et douloureuse du 20e siècle. Les guérilleros colombiens, qui nous apparaissent comme des reliques vivantes d’un autre temps, des desperados échappés d’entre les pages d’un conte marquezien, rescapés improbables de la ruine cyclonique mythique de Macondo, sont pourtant un authentique héritage du combat social planétaire qui sous-tendait précisément la « guerre froide ».
« Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner. » Déclarait le milliardaire américain Warren Buffet, en 2005.
Depuis, en dépit de la violence de la crise économique, la lutte de classe n’a évidemment pas disparue, mais elle se résume à des combats d’arrière-garde, ou de survie précaire, et n’a toujours pas reconstitué d’alternative réelle à l’impérialisme.
Des luttes locales de résistance populaire, comme en Ukraine, se mènent en de nombreux points de la planète, mais elles se mènent sur une base essentiellement nationaliste, et ne constituent pas une perspective globale d’alternative sociale à l’impérialisme.
Bien évidemment, si l’Union Soviétique a disparu, ce n’est ni au faîte de sa gloire ni au sommet de sa puissance. Elle avait sérieusement dégénéré, certes, mais si elle ne brillait plus de tous ses feux et ne constituait plus véritablement un phare du socialisme, elle n’en était pas moins l’héritière d’un siècle de luttes prolétariennes, et demeurait, jusqu’au début des années 80, la principale base arrière et le soutien vital des luttes anti-impérialistes à travers le monde.
Pour cette raison, l’abattre à tout prix demeurait l’enjeu essentiel pour l’impérialisme US. C’est pourquoi faire une analogie entre le comportement de la Russie d’aujourd’hui et celui de l’URSS d’hier est une analogie simpliste et qui ne correspond qu’à une vision grossière de la réalité.
En pratique, c’est du journalisme de « Café du commerce », autour d’un ballon de Côte du Rhône, ou de Beaujolais, selon le goût de l’impétrant !
En réalité, parler de retour à la guerre froide est un raisonnement de type analogique primaire, et par conséquent, erroné dans son principe, sa méthode, et donc, finalement dans ses conclusions, sans même parler de ses prémisses ubuesques.
Si la Russie actuelle manifeste un tempérament un tant soit peu « belliqueux », elle n’a, en réalité, pas le choix d’une autre attitude, à part ramper jusqu’à sa ruine totale, ce qu’apparemment, l’impérialisme US continue d’espérer…
Pourquoi ? Voilà une question essentielle qu’il est juste de se poser, simplement d’un point de vue géopolitique, et même en dehors de toute considération idéologique.
L’un des premiers objectifs du démantèlement de l’URSS était déjà, pour l’impérialisme US, de reprendre pied sur les marchés de l’Europe de l’Est, objectif déjà largement atteint, avec une faible résistance résiduelle en Biélorussie, en Serbie et en Ukraine…
S’en prendre à l’Ukraine, avec le coup d’état pseudo-« démocratique » de la Place Maïdan, c’était tout simplement négliger le fait que l’Ukraine, indépendamment du problème de la Crimée, est d’abord le berceau historique de la Russie…
Si l’on veut une analogie valable, en voici une : traquer l’ours jusqu’au fond de sa tanière, c’est l’obliger à contre-attaquer… !
Mais outre cette considération nationaliste, qui cimente néanmoins l’effort de résistance russe, il faut comprendre que l’option militaire est, de toute façon, dans le contexte économique de la crise mondiale, la seule issue possible pour la Russie, si on veut absolument lui retirer tous ses débouchés sur l’Europe de l’Est, ce qui semble bien être l’objectif actuel, tant des USA que de ses vassaux « européens », dont la France.
Cette situation n’est pas un prolongement de la « guerre froide », en tant que telle, mais plutôt une conséquence lointaine de ses dernières phases et en réalité, de son issue…
Durant la « guerre froide », le moment où les USA étaient au plus mal, en termes de rapport de forces géostratégiques, c’était au début des années 70, quand la guerre du Viêt-Nam s’éternisait et faisait jaillir des espoirs de libérations multiples dans le tiers monde…
De plus, le coût de la guerre, de par cette impasse, commençait à l’emporter largement sur les bénéfices, et hypothéquait la domination financière US…
D’où la liquidation des accords de Bretton Woods…
Et d’où, surtout, le choix stratégique d’une ouverture à la Chine, comme champ d’expansion de secours pour la circulation des capitaux, et la réduction du poids relatif de la réserve monétaire soviétique, amenant progressivement l’URSS à l’étouffement et à la ruine… Ce constat historique évident, mais que personne, semble-t-il, ne veut voir, et pour cause, nous oblige à revenir à la base, à ce qui fonde vraiment, depuis le début du 20e siècle, la domination impérialiste, à savoir, la domination du capital financier !
Depuis cet accord, élaboré dès les années 70, l’interdépendance financière des USA et de la Chine reste, en dépit de leurs rivalités superficielles, le tandem qui domine la circulation mondiale des capitaux, et auquel l’ « Europe » est également inféodée, comme pièce secondaire du dispositif.
La Russie, essentiellement ruinée dans ce processus, n’a pu y arrimer son développement économique. Il lui aurait fallu, pour ce faire, accepter d’être au mieux la cinquième roue du carrosse US… Ce qui eut été possible avec Gorbatchev, Eltsine, ou un autre légume de cette sorte, mais apparemment pas avec Poutine !
A vrai dire, la nature ayant horreur du vide, même, et surtout, en Russie…, il est probable, si Poutine n’avait pas succédé à ces liquidateurs, qu’un autre mouvement nationaliste russe aurait pris le relais, de toute façon… De sorte que Poutine n’est pas un effet du hasard, mais en réalité, un produit des circonstances que « l’Occident », et surtout les USA, ont délibérément créé…
S’il y a une analogie à faire, en matière de nationalisme, elle serait plutôt à chercher du côté de Versailles (Versailles-Chantier… si l’on veut une allusion au gag de Fernand Reynaud, dans le rapport à la Chine, évidemment…), c’est à dire du côté de ce chantier de mort que fut le traité de Versailles en 1919, comme rampe de lancement du néonationalisme allemand et finalement, du nazisme !
L’analogie, toutefois, là aussi, ne peut être qu’un rappel historique des conséquences de l’humiliation d’un peuple, mais nullement une méthode d’analyse.
En effet, le développement exponentiel du nazisme, largement toléré, sinon hypocritement mais efficacement encouragé par le reste de l’ « Occident », avait une fonction précise : être le rempart et le fer de lance du même « Occident » contre l’influence grandissante de l’URSS…
Ce n’est que l’échec final de cette « mission » qui a poussé l’impérialisme US à intervenir en Europe, et finalement, se saisir de l’occasion pour y établir sa domination, sous laquelle nous « vivons » encore, depuis 1944, et qui s’étend toujours plus vers l’Est, en passant aujourd’hui par la Russie…
Mais la Russie a toujours pour elle l’immensité de son territoire, et pas mal de ressources naturelles, qui lui évitent une ruine totale, et pour espérer un peu de développement économique, elle est donc finalement acculée à résister, y compris militairement, partout où elle le peut, comme en Syrie, en Ukraine, et ailleurs, demain, si faire se peut, ce qu’on ne saurait lui reprocher, surtout nous, français, dont l’intérêt serait plutôt, au moins tactiquement, et si nous avions l’ambition de survivre comme peuple indépendant, de nous y allier… sauf à ramper jusqu’à notre ruine finale, aux pieds de l’impérialisme US, comme le font tous nos gouvernants, de droite comme « de gauche », ces dernières années.
Toutefois, il s’agit bien là, dans un cas comme dans l’autre, d’une logique de guerre, qui parait devenir inévitable comme « solution » impérialiste à la crise, qui est bien la crise de la « mondialisation », comme résultat de la circulation effrénée des capitaux spéculatifs à l’échelle mondiale.
Voilà pourquoi l’impérialisme US pousse la Russie dans ses retranchements, et cherche à achever ce qui reste de sa puissance économique : elle est à la fois le seul pôle de résistance potentiellement autonome économiquement et le seul champ d’expansion encore suffisamment vaste pour un nouveau sursaut du capitalisme financier en crise, une nouvelle aire de circulation pour les fonds spéculatifs jamais rassasiés de surprofits…
Le point de départ de ce cycle particulier, hypocritement baptisé « mondialisation » est, on l’a vu, à chercher au moment du véritable basculement de la « guerre froide », c’est-à-dire avec l’alliance Chine-USA élaborée au cours des années 70, et pérennisée depuis, en dépit des apparences, qui ne sont que des rapports de forces entre complices obligés…
Si la domination du capital financier a pris une tournure particulièrement spectaculaire dans cette phase, on le doit évidemment aux moyens de communications modernes qui lui donnent des possibilités de développement exponentielles et d’autant plus délétères, mais elle n’a pas surgit comme un champignon après la pluie, au refroidissement, si l’on peut dire, paradoxalement, de la « guerre froide »…
Ce que le début de notre 21e siècle veut absolument et précisément oublier, surtout en 2014, c’est que la domination du capital financier, comme fondement de l’impérialisme moderne, était déjà la cause profonde de la première conflagration mondiale, en 1914… !
Un siècle d’oubli,
ou bien un siècle d’amnésie volontaire… ?
Un siècle d’oubli qui a fait des millions de morts en deux guerres mondiales, uniquement séparées par un très court rebond et par la crise financière et économique à la fois la plus symptomatique et la plus symbolique, dans l’inconscient collectif…
Amnésie toute relative, donc, et hypocrisie condescendante, en réalité, durant toute la période des « trente glorieuses », où le capital financier retrouve de nouveaux débouchés, sur ses bases anciennes, à reconstruire et à redévelopper les forces productives détruites durant l’essentiel de la première moitié du siècle, en dépit, et/ou grâce à l’essor scientifique et technologique prodigieux…
Mais cela n’avait guère ralenti, pour autant, la circulation des capitaux spéculatifs dans le reste du monde, où l’impérialisme continuait d’exercer ses ravages le plus cyniquement du monde, en se souciant peu de communication, les médias d’époque leur étant déjà tout à fait inféodés…
Gabriel Garcia Marquez était un grand ami du « Lider Maximo
1927 : Année de la naissance de Gabriel Garcia Marquez…
1965 : Année de création de « Cent ans de solitude »…
Dans les dernières années du siècle mythique et romanesque de Macondo, s’implante au village une « compagnie bananière » nord-américaine, dirigée par un très symbolique « Mr. Brown »…
C’est au cours de cette période que « José Arcadio Segundo », devenu leader syndicaliste, se retrouve assommé et embarqué pour mort dans un « mystérieux » train de nuit où les cadavres des grévistes ont remplacé les bananes et seront jetés à la mer…
Cet épisode, expressif à la fois de la violence impérialiste et du non-dit qui la recouvre encore, n’est pas sorti uniquement comme un tour de magie morbide du réalisme marquezien :
C’est la transcription quasi-historique, dans le cadre imaginaire de Macondo, d’un évènement réel, essentiel dans l’histoire de la Colombie, et connu comme « le massacre des bananeraies », ou « massacre de la Cienaga », commis par l’état colombien pour le compte de la « United Fruit Company », dont les avatars US actuels continuent d’opérer sur le terrain.
Le nombre réel des victimes est aujourd’hui estimé entre 1000 et 1500 morts, hommes, femmes et enfants, rassemblés pacifiquement, sur la Place de la Gare, à Ciénaga.
C’est arrivé dans la nuit du 5 au 6 Décembre 1928.
Gabriel Garcia Marquez est né le 6 Mars 1927.
Des enquêtes récentes tendent à montrer que l’action aujourd’hui plus « discrète » des groupes paramilitaires, pour la « protection » des intérêts US en Colombie, auraient fait, ces dernières décennies, plus de 250 000 morts.
Actuellement, en France, certains tribunaux débattent doctement de la responsabilité de tel ou tel lampiste dans les massacres du génocide rwandais.
Pourtant, l’étude de cette tragique histoire ne laisse guère planer de doute sur la responsabilité de notre pays… Autre non-dit de l’impérialisme, le nôtre, et qui met à son tableau de chasse africaine un « petit » million de morts…
Auquel il faudrait ajouter, plus récemment, autour de 50 000 morts pour notre intervention « humanitaire » en Libye, sans oublier quelques milliers de morts probables pour le conflit ivoirien, dont le bilan est encore plus opaque, si possible…
Depuis, Mali, Centrafrique, l’histoire de la « Françafrique » continue de s’écrire, quelle que soit la « couleur » du gouvernement impérialiste français…
Si nous avons échappés de peu à un éventuel engagement direct en Syrie, c’est précisément et uniquement grâce à l’habileté diplomatique de Poutine…
Mais ces temps-ci, en Mer Noire, la France est déjà sur place, avec ses navires, dans le cadre de manœuvres bien coordonnées.
Il n’est pas inutile de rappeler, à cette occasion, que la France fit déjà partie des puissances intervenant en Mer Noire, en 1919, contre la toute jeune République Soviétique…
L’« Europe » se serait-elle enfermée dans un temps cyclique, comme celui du village de Macondo ?
D’une certaine façon, c’est ce que nous suggère l’analogie primaire qui voit dans la situation actuelle de l’ « Europe » un retour de la « guerre froide »…
Une sorte d’évolution régressive…
Mais la « guerre froide » portait encore en elle-même les germes latents d’une alternative, ce qui n’est pas le cas de la situation actuelle, qui combine une sorte de « balkanisation » de l’Europe de l’Est avec une mainmise grandissante de l’impérialisme US.
Une phase de « balkanisation », effective depuis le démantèlement de l’URSS, et surtout, de la Yougoslavie, nous ramène donc finalement, en pratique, à une inféodation globale de l’« Europe », qui est plus que jamais une fiction comme entité autonome, et plus que jamais un cartel d’intérêts soumis à l’impérialisme US.
C’est à l’issue du premier conflit mondial, que l’impérialisme US a véritablement pris sa dimension planétaire, même s’il a attendu l’opportunité du second pour la parachever. La première « balkanisation » de l’Europe du Sud-Est, était déjà, en quelque sorte, à partir de 1918, une hypothèque prise par les USA, sur un « avenir » incertain, mais qu’ils continuent habilement à transformer, aujourd’hui !
Force est donc de constater que si nous vivons bien une phase régressive de l’Europe, elle nous ramène plutôt à la situation qui prévalait à l’époque de la première guerre mondiale, en ce qui concerne la nature profonde des tensions internes, à cette très grosse différence près que les USA sont aujourd’hui totalement maîtres du jeu, en face de la Russie, et que le conflit, s’il se développe, se fait essentiellement pour leur compte, et que les nations qui jouent ce jeu dangereux, dont la France, ne sont plus que leurs pions…
Dans le temps cyclique du village de Macondo, c’est l’épisode tragique de la grève à la bananeraie qui est le début de la décadence, non pas tant, précisément, par l’expression ouverte de la violence, mais au contraire par le non-dit et la perte d’identité qu’il recouvre.
Et plus le cycle de Macondo se referme, et plus il devient le royaume du non-dit…
Et pourtant, paradoxalement, c’est un royaume dont l’histoire est écrite d’avance, dès les premières pages, par les prophéties du gitan-alchimiste Melquiadès, puis définitivement scellée dans ses grimoires indéchiffrables, qui sont, en quelque sorte, la mémoire anticipée du village.
Dans un premier temps, la venue de Melquiadès représente à la fois l’arrivée du progrès et des illusions de richesses et de pouvoir qu’il engendre et déclenche.
Mais Melquiadès lui-même est relativement lucide, et s’il semble en jouer, il n’en lance pas moins quelques avertissements justes quant à son utilisation possible, que personne n’écoute… Pour finir, à l’état spectral, il devient en quelque sorte la conscience collective enfouie du village, mais qui ne peut l’arracher à son destin…
Lorsqu’il revient au village pour le guérir de la peste de l’insomnie et de l’oubli, il revient lui-même d’entre les morts et s’il reste à Macondo, c’est déjà essentiellement parce qu’il est accepté grâce à ce statut de conscience spectrale…
Dans une structuration cyclique du temps, le cycle temporel le plus absolument défini dans sa durée est celui imparti à chaque individu, dans la vie réelle, mais aussi à chaque personnage, donc, dans le roman. Le cycle immédiatement plus vaste qui les relie entre eux, de manière non moins absolue, dans le roman, est la malédiction d’une descendance consanguine.
Dans une Europe cosmopolite, dans une société occidentale brassée par la « mondialisation », nous avons tendance à oublier que c’est un trait récurrent de toutes les sociétés rurales primitives, à travers la planète, et encore valide, en France, au début du siècle écoulé…
Le gitan Melquiadès est pratiquement le seul personnage fondamental du roman qui n’est pas relié à ce cycle.
Par son rôle spectral, relié à la mémoire collective, il a son cycle temporel propre, qui dépasse largement son cycle individuel au sens biologique du terme.
L’autre personnage dont le cycle temporel, par son historicité, dépasse son cycle biologique, est le Colonel Aureliano Buendia. Il représente un autre cycle temporel récurrent, celui de la guerre civile.
Il est remarquable que sa nombreuse descendance, 17 fils engendrés lors de ses campagnes militaires lointaines, la seule à pouvoir échapper au cycle de la consanguinité, est par contre marquée par le poids de cette historicité, et même littéralement, par la croix de cendre sur le front.
Elle représente la renaissance potentielle de la radicalité originelle du Colonel, mais qui ne trouve pas d’issue dans ce cycle fermé, et se trouve symboliquement physiquement liquidée avant même de pouvoir y apporter, là aussi, littéralement, un sang neuf…
Il est remarquable que cette métaphore transcendante résume encore, un demi-siècle après sa rédaction, le destin en cours de la Colombie…
En Europe, si la date de 1914 semble aussi bien marquer la fin réelle du 19e siècle, c’est précisément qu’elle marque une transition de cycles.
La fin du 19e siècle, en Europe occidentale et aux USA, avec la révolution industrielle, c’est l’aboutissement du capitalisme triomphant comme moyen de développement exponentiel des forces productives.
C’est aussi l’aboutissement d’un premier cycle de crises, lié à ce surdéveloppement, qui ne peut plus trouver ni créer de débouchés sur ses propres bases.
C’est ce cycle que Marx a décrit avec le concept de crise de surproduction. Il est lié à l’apparition du prolétariat en tant que classe sociale capable de dépasser ce cycle, en l’ouvrant sur un autre avenir, et c’est pourquoi il est aussi lié à l’émergence du Marxisme comme idéologie d’avant-garde de la classe ouvrière.
Si le 19e siècle semble s’achever, en 1914, sur l’échec de cette perspective, c’est bien parce que le capitalisme lui-même a déjà ouvert un autre cycle indispensable à sa survie : la guerre est en réalité la première crise de ce nouveau cycle.
Ce nouveau cycle, c’est la première phase de circulation mondialisée des capitaux, rendue indispensable par l’exiguïté des marchés nationaux. Mais cette nouvelle explosion du capitalisme, ce n’est déjà plus celle du capitalisme créatif des débuts de l’ère industrielle…
Dans cette nouvelle phase, au tournant 19e-20e siècle, il ne s’agit plus, déjà, que de l’expansion des capitaux spéculatifs liés précisément à la domination du capitalisme financier sur le capitalisme industriel. Ce n’est déjà plus le développement des forces productives qui est l’enjeu principal, mais leur répartition la plus rentable possible sur le globe.
Comprendre la transition de phases, c’est comprendre que l’une ne chasse pas purement et simplement l’autre comme un cycle refermé sur lui-même et jeté à la poubelle de l’histoire, pour n’y être plus fouillée que par des historiens charognards et curieux malsains.
Une phase nouvelle continue d’englober l’autre comme une de ses conditions d’existence. Elle peut aussi y revenir, de manière régressive, comme une de ses conditions de survie provisoire ou locale.
Pour le capitalisme financier, en tant que forme spéculative, parasitaire du capitalisme industriel, la destruction des forces productives est, de manière chronique, mais surtout en cas de crise aigüe, un moyen essentiel de régénération.
C’est pourquoi 1914 marque à la fois la fin du cycle des crises primitives de surproduction et la première tentative de repartage mondial de l’impérialisme moderne.
A partir de 1914 c’est un cycle de destructions et de tentatives de nouvelles répartitions des forces productives qui s’amorce, pour la survie du capitalisme pourrissant.
Plus les destructions sont massives et plus la marge de régénération et de survie du capitalisme est extensive.
Non seulement la poursuite du progrès technique n’est pas incompatible avec ce processus, mais elle lui est intrinsèquement liée, à travers les lobbys militaro-industriels, notamment.
Dans ce processus, des phénomènes relativement locaux et provisoires de développement, voire de surdéveloppement, des forces productives, présentent encore certains traits, mais certains traits seulement, du capitalisme industriel primitif, et ne viennent pas contredire la domination du capitalisme financier. Ils en sont un de ses corollaires d’origine.
Ils ne sont aucunement, en eux même et directement, la cause réelle de la crise de l’impérialisme, qui reste à rechercher dans les mécanismes profonds de la circulation mondialisée des capitaux. De sorte que si des phénomènes s’apparentant aux crises de surproduction peuvent apparaitre ici ou là, ils ne sont qu’un « raté » provisoire et local dans l’évolution mondiale de la répartition des forces de production, et même, le plus souvent, un simple décalage ou retard nécessaire à leur destruction et la facilitant.
Ce type de phénomène, parfaitement illustré depuis plus d’un siècle, déjà, par les aléas délétères du marché mondial de la banane, qui reste l’aliment de base pour au moins 400 millions d’êtres humains sur terre, avec ses conséquences tragiques sur l’histoire de pays comme la Colombie, et d’autres également, se retrouve désormais dans la dernière phase de mondialisation, sur les marchés de produits industriels d’usage courant, comme sur les marchés de produits technologiques à forte valeur ajoutée.
C’est ce qu’illustre le cycle des « délocalisations », précisément inauguré au milieu des années 70.
C’est ce que Lénine avait parfaitement compris et exprimé, dès 1916, en anticipant notamment le rôle « futur », et donc désormais cruellement actuel, de la Chine dans ce processus.
C’est le sens fondamental de son analyse, plus que jamais d’actualité, génialement et quasi-prophétiquement résumée dans « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme ». Mais il avait aussi, évidemment, parfaitement compris le paradoxe du capitalisme russe, déjà intégré au marché financier mondial par le système des participations croisées (mécanisme fondamental et toujours à l’œuvre dans le processus impérialiste moderne), et pourtant encore gravement sous-développé en termes de forces productives.
Echapper à la « bananisation » de l’économie russe s’écroulant sous le poids de la guerre était donc une nécessité qui rendait autant caduque la république bourgeoise de Kerenski que le régime moribond des tsars… Cette métaphore ne signifie nullement, pour ceux qui ont du mal à suivre, que les bolchéviques aient eu à lutter contre une invasion de planteurs de bananes, mais que leur nécessaire victoire sur les armées blanche ne constituait pas une base suffisante pour l’éclosion du socialisme.
C’est pourquoi l’orientation donnée par Lénine, en faveur d’un développement économique rapide et autonome de la Russie, était une des conditions de survie et de résistance de la Russie Soviétique contre l’encerclement impérialiste.
C’est pourquoi cette orientation est restée la boussole de l’URSS comme base de la lutte anti-impérialiste mondiale, malgré de fortes distorsions révisionnistes et finalement une relative stagnation dans les dernières décennies précédent sa chute.
Les éléments concrets de cette politique ont été au mieux défini dans un célèbre discours de Lénine, en 1920, que nos intellectuels « de gauche », en France, y compris « communistes révolutionnaires », gauchisants et trotskystes et même la plupart de nos « marxistes-léninistes », sans oublier d’inénarrables « marxistes-léninistes-maoïstes », ont traditionnellement pris l’habitude de tourner en dérision.
Ils en ont extirpé une célèbre formule qu’ils attribuent telle quelle à Lénine : « Le socialisme, c’est les soviets plus l’électricité » (et reprise à l’envie par les ennemis du socialisme et de l’Union Soviétique), prouvant par-là que :
1_ils n’ont pas vraiment lu Lénine.
2_ils n’ont rien compris à l’essence du léninisme, quand bien même l’auraient-ils lu !
On y trouve notamment le point suivant :
« De la guerre impérialiste, les États bourgeois ont réussi à sortir bourgeois. Ils ont réussi à remettre et à reculer la crise qui les menaçait immédiatement, mais ils ont ruiné leur situation dans sa racine à un tel point que, malgré leurs forces armées gigantesques, ils ont dû reconnaître, après trois ans, leur impuissance à étrangler la Russie soviétiste, presque dénuée de forces militaires. Ainsi s’est trouvée confirmée dans sa base notre politique avec nos prévisions, et nous avons eu pour alliés réels les masses opprimées de tous les États capitalistes, puisque ces masses ont fait échouer la guerre. Sans obtenir la victoire universelle, la seule solide pour nous, nous avons conquis une situation dans laquelle nous pouvons exister côte à côte avec les puissances impérialistes, obligées aujourd’hui d’entrer en relations commerciales avec nous. Au cours de cette lutte, nous avons conquis le droit à l’existence indépendante. »
Dans ce texte, Lénine fait le point, avec une lucidité extrême, et sans rien abandonner des fondamentaux du mouvement bolchévique, sur la situation internationale à l’issue de la guerre, mondiale, polonaise et civile.
C’est là qu’il pose les bases de la lutte pour le développement économique, pour le progrès technique indispensable, contre l’analphabétisme et l’obscurantisme, de la Russie soviétique comme nation indépendante et base de résistance et de lutte contre l’impérialisme.
Un siècle après, c’est ce que nos idéalistes petits-bourgeois et gauchistes de tous poils n’ont toujours pas compris !
Avec Lénine, les bolchéviques ont sorti la Russie à la fois du temps cyclique du féodalisme et de l’impérialisme, au moment où elle commençait seulement à s’engager sérieusement dans celui du capitalisme industriel, avec un retard tel qu’elle ne pouvait que s’en trouver inféodée aux puissances impérialistes déjà dominantes, ou sur le point de devenir dominantes, comme l’Allemagne et les USA.
Avec Lénine et le bolchévisme, la Russie Soviétique a ouvert un temps cyclique nouveau, en rouvrant à la fois celui de la révolution socialiste, déjà entrouvert par la Commune de Paris, et en ouvrant le temps cyclique, devenu nécessaire, des luttes anti-impérialistes modernes.
Ce que le temps cyclique du capitalisme industriel primitif et celui de l’impérialisme ont en commun, c’est l’impasse dans laquelle ils mettent le développement des forces productives. Ce qui les différencie, c’est la nature de cette impasse.
Si la circulation mondialisée du capital tend à amortir les crises primitives de surproduction, ce n’est pas du tout en harmonisant le développement entre les nations, comme le prétendent les idéologues bourgeois, et encore plus, les idéalistes petits-bourgeois, arrivistes zélés et impatients, mais au contraire en creusant les inégalités par la répartition constamment changeante des forces productives, qui permet aux capitaux de circuler en sauvegardant leurs surprofits.
C’est cette répartition qui accentue les phénomènes de sous-développement et de « surdéveloppement » relatif, entrainant les migrations de populations contraintes et forcées, en réalité, par la misère.
C’est cette répartition qui entraine la constitution de sociétés fondées sur la division, le communautarisme et la haine, et non pas sur un réel « multiculturalisme », qui ne saurait être imposé par la misère et qui pour l’instant n’existe que dans la tête de nos idéalistes petit-bourgeois, se faisant, souvent sincèrement et involontairement, les relais « humanistes » de la propagande impérialiste.
Les sociétés fondées sur le communautarisme ne fonctionnent avec un certain équilibre qu’autour des phénomènes de développements locaux et provisoires où l’impérialisme permet un relatif partage des plus gosses miettes qu’il peut leur laisser sans réduire ses superprofits.
Leur éclatement en conflits intercommunautaires, dans le temps cyclique des crises de l’impérialisme, est la solution préprogrammée par celui-ci pour désamorcer toute forme de lutte de classe aboutissant à une conscientisation anti-impérialiste.
Rentrer dans le temps cyclique d’une conscience anti-impérialiste exige donc une réflexion redéfinissant aussi bien le concept de développement économique autonome que le concept de solidarité internationale.
C’est une double réflexion, dont les deux termes doivent rester constamment en interpolation pour conserver sa dynamique dialectique.
C’est cette dialectique qui est puissamment à l’œuvre, en 1947, dans le Rapport sur la situation internationale d’Andreï Jdanov, à condition de le comprendre dans sa version originale intégrale, avec sa critique radicale de l’opportunisme des partis français et italiens, et même avec son ébauche de la critique du titoïsme yougoslave, officiellement non exprimée avant 1948.
C’est un exemple typique de la démarche marxiste-léniniste où le droit des nations à disposer d’elles-mêmes s’inscrit dans une démarche anti-impérialiste globale, et où ce droit n’implique nullement un retour au cycle du « capitalisme national » déjà caduque à la fin du 19e siècle !
Une telle démarche doit au contraire impliquer un type de développement à la fois autonome et socialement progressiste, avec les formes adaptées à chaque situation locale, mais ne peut avoir de sens durable que si le prolétariat lui-même y joue le rôle décisif avec son organisation de classe autonome.
Dans les pays aux structures économiques relativement arriérées, il se peut que certaines formes du capitalisme primitif continuent de jouer provisoirement un rôle, comme ce fut le cas avec la NEP instituée par Lénine, mais donc sans constituer aucunement une concession à l’autonomie économique et financière, et sans entraver la marche au socialisme.
Mais dans les métropoles impérialistes comme la nôtre, en France, le droit à l’indépendance nationale, essentiellement vis-à-vis de la domination US, est directement lié à l’accession rapide au socialisme. C’était l’essentiel de la ligne définie par le Kominform, dès 1947, sous l’influence d’Andreï Jdanov.
Ce que Lénine, dès 1916, nous expliquait déjà, avec ce nouveau cycle du capitalisme, celui du capitalisme « pourrissant » , caractérisé par la domination du capital financier, c’est le lien dialectique mortifère qui l’unit indéfectiblement, y compris par sa fonction parasitaire même, au capitalisme industriel désormais incapable de se développer sur ses bases « nationales ».
C’est pourquoi il consacre de nombreux passages de son livre à dénoncer l’illusion que constitue la prétention à vouloir détacher l’un de l’autre. De nos jours, encore bien davantage, il n’est pratiquement plus de petite entreprise qui ne dépende de cette intrication, non seulement pour ses besoins de financement, mais aussi, le plus souvent, pour un marché vital « à l’international ».
Séparer le capitalisme industriel du capitalisme financier, c’est pourtant exactement cette même illusion « critique » que nos idéalistes petit-bourgeois contemporains prétendent encore opposer au système financier moderne, un siècle après !
On la retrouve partout, de l’extrême-droite à l’ « extrême-gauche », sur tout l’arc-en-ciel des « couleurs politiques » françaises, au point, du reste, que certains social-chauvins n’hésitent pas à militer pour un « front républicain » qui unirait toutes ces formes d’opportunisme et de démagogie !
Mais dans la réalité cet arc-en-ciel est une nébuleuse d’intérêts contradictoires, d’où il ne ressort pas la moindre perspective politique, sauf l’enfermement dans un cycle pseudo-« nationaliste », particulièrement régressif et qui ne déboucherait que sur une inféodation mieux déguisée…
L’autre aspect de cet opportunisme, qui prétend au contraire voir des vertus « unificatrices » dans la domination internationale du capitalisme financier, et qui nie précisément, en pratique, le creusement des inégalités, voudrait nous voir attendre, et plutôt passivement, en réalité, le tout à fait imaginaire « murissement » des conditions d’une non moins chimérique « révolution mondiale » ! Cela ne l’empêche pas, au contraire, de combiner cette utopie idéaliste avec le réformisme archi-usé d’une pseudo-« réglementation » du capitalisme financier !
Si nous prenons la peine d’y réfléchir sérieusement, et la tension guerrière croissante en Ukraine devrait, hélas, nous y inciter, le grand redéploiement tous azimuts de toutes ces panoplies d’illusionnistes, que Lénine avait pourtant déjà complètement démasquées voici un siècle, nous montre à quel point nous nous sommes enfermés dans ce cycle impérialiste.
Ce déploiement s’est effectué sur plusieurs décennies, en dépit de plusieurs vagues de luttes sociales importantes.
Ce n’est donc pas la combattivité du prolétariat français qui est en cause. Il s’agit bien d’une victoire idéologique du capitalisme, essentiellement due à la capitulation et au zèle opportuniste des idéalistes petit-bourgeois qui se présentaient comme « idéologues » et « penseurs » du mouvement ouvrier.
Ils n’ont eu de cesse, pratiquement dès l’origine, de reprendre avec un point de vue présenté comme « critique de gauche », les assertions les plus simplistes de la bourgeoisie réactionnaire contre l’Union Soviétique et l’édification du socialisme.
Lorsque l’ébauche d’une critique « marxiste-léniniste » s’est développée au cours des années 60, ce fut sous l’influence du PC chinois et en reprenant, pour l’essentiel, la même argumentation idéaliste.
Lorsque le PC chinois a achevé sa mutation collaborationniste, sous l’influence combinée de Mao Zedong et Deng Xiaoping, la Chine s’est trouvée pleinement intégrée, dès le tournant des années 70-80, au processus impérialiste.
Alors que la « bananisation » de l’URSS était encore, pour l’essentiel, en échec, en dépit de ses travers révisionnistes, la « bananisation » de la Chine devenait un franc succès, avec l’approbation et le soutien enthousiaste de nos pseudo-« marxistes-léninistes » !
Dès le début de ce processus, en 1971-72, il était clair que « Mr. Brown » avait un nom en Chine : Dr. Kissinger !
Parmi nos « marxistes-léninistes », alors que certains s’étaient déjà mués en « marxistes-léninistes-maoïstes », ce qu’aucun n’a su voir, c’est l’évolution du monde qui se produisait sous leurs yeux, et dont ils se voulaient les acteurs… Triste cinéma !
Alors que la fracture ainsi amorcée au sein du camp anti-impérialiste ne pouvait qu’aboutir à l’écroulement total de l’ensemble, quels que soient les discours idéologiques des uns ou des autres, c’est toute l’œuvre de Lénine et du mouvement bolchévique qui était ainsi remise en cause dans ses fondements.
Avec l’intégration de la Chine au processus impérialiste le monde a très rapidement pris la forme, dans la structure de ses rapports de forces économiques, dans le principe de circulation des capitaux, que Lénine, dès 1916, lui voyait prendre en cas d’échec du mouvement ouvrier russe.
C’est une évolution du monde qui était déjà en gestation en 1914, au moment de la vaste trahison de la 2e internationale et de ses « sociaux-démocrates » qui s’apprêtaient à livrer le prolétariat mondial à la grande boucherie impérialiste.
Ce n’est évidemment pas tout à fait exactement le monde tel qu’il aurait été sans l’expérience des luttes de résistance prolétarienne, ni sans la tentative d’édifier le socialisme pour un tiers de l’humanité !
L’expérience de l’Union Soviétique, malgré tous les défauts que l’on peut lui trouver, a au moins eut le mérite immense de prouver deux choses essentielles et uniques :
1_il est possible de maitriser le développement des forces productives en fonction des objectifs sociaux.
2_il est possible de résister à l’impérialisme, même sous sa forme la plus barbare, le nazisme.
Le bilan critique marxiste-léniniste de cet héritage historique gigantesque reste à établir, mais force est de constater que les héritiers politiques de la social-démocratie d’avant 1914, en Europe occidentale, véritables social-impérialistes et pourvoyeurs de guerres, réoccupent maintenant la scène politique en jouant délibérément le jeu, cette fois-ci, du libéralisme économique et de la finance US.
Ils sont les agents zélés d’une domination impérialiste jamais rassasiée de superprofits et n’hésiteront pas à entrainer l’Europe et le reste du monde dans un nouveau cataclysme guerrier pour tenter de solutionner leur crise et d’éviter l’impasse où, inexorablement, ils emmènent le monde !
Voici 90 ans que Lénine gît enchâssé dans son mausolée sur la Place Rouge. Voici donc bientôt siècle qu’il nous a laissé en héritage ses analyses réalistes et décapantes, sa vision prospective lucide sur l’évolution du monde et les possibilités réelles de l’Union Soviétique.
Un siècle où sa pensée a tenté de façonner le monde, à travers l’interprétation qu’en ont fait des dizaines de partis politiques d’importances très inégales.
Dans la logique du Réalisme Magique propre à Gabriel Garcia Marquez, on serait tenté de s’interroger : qu’en aurait-il pensé ? qu’aurait-il pensé de notre monde d’aujourd’hui ?
Mais Lénine n’est pas « Melquiadès », et sa pensée n’est ni un dogme, ni enfermée dans un grimoire indéchiffrable où le destin du monde serait scellé une fois pour toute !
S’il a incontestablement contribué à écrire l’histoire du siècle passé, il a d’abord voulu nous expliquer les mécanismes profonds du monde moderne naissant, pour que le mouvement ouvrier puisse s’y développer en toute connaissance de cause.
De sorte qu’il est plus juste de dire qu’il n’a pas écrit UNE histoire du monde, mais potentiellement plusieurs, en fonction des options stratégiques à choisir…
Dans la veine du Réalisme Magique on pourrait imaginer qu’une petite étincelle mémorielle coincée dans l’ADN de la dépouille de Lénine se connecte à un Smartphone perdu là par quelque touriste en visite au mausolée, et qu’il essaye de comprendre notre pauvre monde…
Il serait certainement plutôt déçu de constater que le scénario réalisé n’est pas, et de loin, son favori…
Il serait peut-être par contre lui-même étonné de voir à quel point l’intégration de la Chine au processus impérialiste se conforme à son modèle prospectif de 1916… !
En voyant à quel point nous nous sommes laissé entrainer dans cette spirale régressive, il nous livrerait peut-être quelques réflexions philosophiques sur le temps cyclique…
En examinant l’état actuel du mouvement ouvrier et surtout des mouvements qui se réclament de sa pensée, il serait certainement d’autant plus consterné…
Mais du moins, désireux de ne pas se résigner à une fatalité apparente, peut-être tenterait-il de lancer quel qu’anonyme message d’alerte, tel un Edward Snowden d’outre-tombe, avant de retourner à son éternité historique…
Pourtant ses œuvres ont été traduites dans toutes les langues et sont, pour l’essentiel, gratuitement accessibles sur le net !
Elles ne sont pas, comme les grimoires de « Melquiadès », écrites dans un code « chiffré les vers pairs à l’aide du code personnel de l’empereur Auguste et les impairs avec les codes militaires lacédémoniens » ! Le problème n’est donc pas qu’on ne peut plus les comprendre, mais bien plutôt qu’on ne VEUT plus les comprendre !
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