La Sixième Extinction Massive passe par la mort massive des insectes

Insectes sur un pare-brise
Selon une étude récente publiée dans la revue Nature, le nombre d’insectes dans le monde a chuté de moitié au cours des 30 dernières années et il y a désormais 27 % moins d’espèces. Des chiffres alarmants, considérant le fait que le sort des humains est lié à celui des insectes.
Un texte d’Alexandre Sirois – Journal La Presse
« UN CAFÉ AVEC MAXIM LARRIVÉE
C’est l’hécatombe et il est aux premières loges !
Si certains prétendent voir notre avenir dans les feuilles de thé, Maxim Larrivée, lui, est bel et bien en mesure de voir celui de la planète en étudiant les insectes.
Et les nouvelles ne sont pas très bonnes, vous vous en doutez. Les insectes disparaissent à une vitesse préoccupante. Test simple pour le constater : cet été, observez à quel point le pare-brise de votre véhicule est propre, même si vous avez roulé pendant quelques heures. Il y a 30 ans, il aurait été recouvert d’insectes.
« Le test du pare-brise est aussi anodin et simpliste qu’il est vrai », lance Maxim Larrivée lorsqu’on lui demande son avis sur ce phénomène.
Mais nous y reviendrons plus loin. Chaque chose en son temps. Permettez-nous d’abord de faire les présentations, parce que vous n’avez peut-être jamais entendu parler de ce quadragénaire charismatique au physique d’athlète. Et c’est bien dommage, car ce chercheur et vulgarisateur scientifique chevronné à l’enthousiasme contagieux gagne à être connu.
Il nous donne rendez-vous sur la terrasse du restaurant du Jardin botanique parce qu’il adore cet endroit, mais aussi parce que c’est, en quelque sorte, son arrière-cour. Il occupe le poste de directeur de l’Insectarium de Montréal depuis maintenant trois ans.
Rien de plus facile que d’expliquer son parcours : ce titulaire d’un doctorat en entomologie – l’étude des insectes – de l’Université McGill est tombé dans la marmite quand il était tout petit.
Il a littéralement grandi avec un filet à papillons dans les mains.
Son père était un naturaliste passionné d’ornithologie (qui a créé la banque de données Étude des populations d’oiseaux du Québec, dans les années 1970), tout comme son oncle Michel. Ce dernier étudiait aussi les papillons. Et les deux hommes avaient comme mentor un naturaliste reconnu et éminent collectionneur de papillons du Bas-Saint-Laurent, Rosaire Pelletier.
La passion de ces trois hommes était contagieuse. Maxim Larrivée se souvient que tous ses voisins de la rue Ouellet collectionnaient les papillons. « Ma mère m’a déjà rappelé qu’à 3 ans, je connaissais 32 espèces de papillons en anglais, en français et en latin », raconte-t-il.
Au cégep (de Limoilou) et à l’université (Laval), il s’est laissé tenter par le sport. Ce grand gaillard de 6 pieds 6 pouces avait à la fois le talent et le physique de l’emploi. Il jouait alors au volleyball. Mais intérieurement, il savait que ça n’allait pas durer. « Je ressentais toujours quelque chose de plus fort quand j’étais dehors, dans la nature, que dans un gymnase. »
Le voici donc aujourd’hui à la tête d’un Insectarium qui vient de rouvrir, métamorphosé, et dont l’existence semble plus fondamentale que jamais auparavant. Maxim Larrivée, comme tous ceux qui ont participé à la conception du nouvel établissement et contribuent à son développement, en est bien conscient.
Parce que le fameux test du pare-brise est emblématique : les insectes sont victimes d’une hécatombe. Et leur sort, inéluctablement, est lié au nôtre.
« Je pense qu’on peut voir une bonne partie du futur de la planète à partir de la façon dont les insectes arrivent à s’adapter ou non aux pressions environnementales qu’on leur impose actuellement. »
— Maxim Larrivée
« Mon directeur de labo au postdoctorat à l’Université d’Ottawa utilisait une belle métaphore : les insectes sont les canaris dans la mine de charbon. »
C’est que le cycle de vie d’un insecte est très court. ll y en a, même au Québec, qui peuvent former jusqu’à trois ou quatre générations par année. Alors forcément, leur capacité d’adaptation est plus grande.
« On est capable, en mesurant leur capacité d’adaptation, de suivre le rythme des changements. De vérifier si le reste des êtres vivants, qui ont un cycle de vie plus lent, vont aussi être capables de s’adapter. Et il y a fort à parier que non », lance-t-il.
Pour nous donner une idée de l’urgence de la situation, Maxim Larrivée évoque le sort du superbe papillon monarque, qui est en voie de disparition. « La femelle monarque pond 200 œufs. Ça en prend un seul qui survit jusqu’à l’état adulte pour que la population soit stable. Mais il n’y en a même pas 1 sur 200 ! C’est fou ! »
Et d’ajouter : « Imagine un humain qui a 200 enfants et n’arrive même pas à avoir une population stable… Ce serait une catastrophe innommable. »
Selon une étude récente publiée dans la revue Nature, le nombre d’insectes dans le monde a chuté de moitié au cours des 30 dernières années et il y a désormais 27 % moins d’espèces.
Des chiffres alarmants, considérant le fait que le sort des humains est lié à celui des insectes.
Lorsqu’il aborde ce sujet, le visage de Maxim Larrivée s’éclaire de nouveau. Il nous parle, par-dessus tout, de pollinisation. Il évoque aussi le fait que les insectes « vont s’autoréguler, la plupart du temps, pour éviter les épidémies, de façon naturelle, sans produits chimiques ». Il nous renseigne sur l’importance des larves d’insectes aquatiques, qui servent de nourriture aux poissons, mais sont également essentielles pour les milieux humides, notamment parce qu’elles filtrent l’eau.
Sans compter le fait que les insectes représentent la protéine animale qui a l’empreinte écologique la plus faible. « Et c’est un super aliment, au même titre que le kale, le brocoli… », précise-t-il, même s’il sait très bien qu’il reste encore du chemin à faire pour qu’on les intègre à notre alimentation quotidienne.
Entomologiste et directeur de l’Insectarium, Maxim Larrivée se retrouve donc au cœur de la catastrophe en cours. Pourtant, il est résolument optimiste. C’est certainement, en grande partie, parce qu’il est convaincu que le nouvel Insectarium peut être un redoutable agent de changement.
Le musée, son directeur et « l’ensemble de l’équipe » veulent faire naître une société entomophile, c’est-à-dire qu’elle saura valoriser les insectes. Le nouvel établissement, ouvert depuis avril dernier, a d’ailleurs été conçu pour « mettre les gens dans une posture d’ouverture et de respect pour les insectes ».
C’est une mission fondamentale, insiste Maxim Larrivée. Afin de prendre les mesures qui s’imposent dans le but de protéger à la fois les insectes et la planète au grand complet, ça prend « un recadrage de la relation avec la nature qu’ont les humains ».
Il sait bien que « ce n’est pas tout le monde qui va tomber en amour avec les insectes ou les trouver beaux ». Il est convaincu, par contre, que « tous les gens sont capables de les valoriser et de comprendre le rôle essentiel qu’ils ont dans les écosystèmes et les services qu’ils rendent à tout le monde ».
QUESTIONNAIRE SANS FILTRE
Ton rapport au café ? Je bois deux espressos doubles après mon premier grand verre d’eau le matin, noirs ou avec une larme de crème.
Ton insecte préféré ? Le lutin mystérieux. Le seul papillon de jour au Québec qui est vert iridescent. Il a vraiment l’air d’un lutin !
Tes héros ? Mes parents.
Des livres à recommander sur l’avenir de la planète ? Biophilie, d’Edward O. Wilson, et De l’inégalité parmi les sociétés : Essai sur l’homme et l’environnement dans l’histoire, de Jared Diamond.
Le don que tu aimerais posséder ? La capacité de retourner dans le temps pour voir le Québec précolonisation.
Ton rêve de bonheur ? Mon rêve de bonheur ? Je suis en train de le vivre !
• Naissance à Québec en 1976, sa famille déménage à Rimouski lorsqu’il a 6 mois.
• Il a obtenu un baccalauréat en biologie à l’Université Laval, une maîtrise en écologie à l’Université Carleton et un doctorat en entomologie à l’Université McGill.
• Il a créé le projet iPapillon (eButterfly), un projet de science participative qui se veut une base de données mondiale sur les papillons, en 2012.
• Il est devenu directeur de l’Insectarium de Montréal en 2019. »
Article de Jean-Louis Helstroffer ,un grand ami.

Une abeille sur une fleur de thym.Face à un taux de mortalité huit fois plus rapide que celui des mammifères, des oiseaux ou des reptiles, les chercheurs appellent à repenser les pratiques agricoles actuelles pour espérer inverser la tendance.

Le rapport, publié dans la revue Biological Conservation, est une méta-analyse de 73 études différentes portant sur l’état de la faune entomologique. Les résultats qui en ressortent sont alarmants. Selon les experts ayant travaillé sur ce rapport, nous faisons face « au plus massif épisode d’extinction » depuis la disparition des dinosaures. Les 73 études concernent surtout les espèces d’insectes européennes et nord-américaines. Jérôme Murienne, biologiste et chercheur au CNRS interrogé par National Geographic, réagit aux résultats de ce rapport. Si pour lui, « il est difficile d’extrapoler à une échelle mondiale sur la base de seulement 2 études très locales, les tendances sont claires et semblent généralisées. »

 

ÉTAT DES LIEUX

« Les auteurs avancent un chiffre de 41 % d’espèces en déclin (diminution d’abondance ou diminution d’aire de répartition) pour 73 études ce qui est deux fois plus que pour les vertébrés » commente Jérôme Murienne.

Les papillons, les mites, les abeilles et les fourmis subissent de plein fouet cette extinction de ...

Chez les animaux, si certaines espèces comme les pigeons et les rats remplacent peu à peu les espèces endémiques notamment en France, chez les insectes, l’ampleur est toute autre. Les auteurs de l’étude écrivent en effet qu’il ne s’agit « pas seulement d’espèces spécialisées occupant des niches écologiques. De nombreuses espèces peu spécialisées, très communes, sont également touchées. » Les hyménoptères, comme les abeilles ou les fourmis, voient leurs populations menacées de disparition de plus de 50 %. Si des espèces envahissantes en profitent pour prendre leur place, comme le bourdon fébrile ou la fourmi de feu qui supportent mieux les pesticides que leurs congénères, leur accroissement n’est pas assez rapide pour compenser la disparition des autres espèces.

« Cela se passe à une vitesse incroyable. Dans 100 ans, tous les insectes pourraient avoir disparu de la surface de notre planète » s’inquiète Francisco Sanchez-Bayo, biologiste à l’Université de Sydney, l’un des auteurs de l’étude.

 

QUELLES CAUSES, QUELLES CONSÉQUENCES ?

Si l’on parle souvent des menaces d’extinction qui pèsent sur les animaux, la situation des insectes trouve un écho moindre dans le débat public. Pourtant, leur utilité est toute aussi importante pour notre survie. « Le premier impact sera un impact direct sur les animaux qui consomment des insectes (oiseaux, amphibiens, poissons ou chauves-souris). Certaines études ont déjà montré un lien direct entre le déclin de certains vertébrés et la diminution des insectes comme source de nourriture. D’autres impacts sont à prévoir notamment vis-à-vis de la pollinisation. De nombreuses plantes dont beaucoup de plantes cultivées ont besoin d’insectes pour se reproduire. Un déclin des insectes aura donc des conséquences néfastes sur notre agriculture » avance Jérôme Murienne. « Si ce déclin ne peut pas être enrayé, cela aura des conséquences catastrophiques pour les écosystèmes de la planète et pour la survie de l’humanité » conclut Francisco Sanchez-Bayo.

Mais la faute à qui ? L’étude de Bayo et Wyckhuys « pointe du doigt l’agriculture, soit par la transformation des terres soit par l’utilisation de pesticides » indique Jérôme Murienne. En clair, la principale cause de ce déclin est la destruction des habitats due à l’agriculture intensive et à l’urbanisation, ainsi que la pollution aux pesticides et aux engrais.

Premières causes de cette extinction de masse : l'urbanisation, l'agriculture intensive et l'utilisation de pesticides.
Premières causes de cette extinction de masse : l’urbanisation, l’agriculture intensive et l’utilisation de pesticides.

Extinction des insectes : « On parle sérieusement de fin du monde »

Les papillons sont en forte baisse.Papillons, coccinelles, fourmis et scarabées… « A moins que nous ne changions notre façon de produire nos aliments, les insectes auront pris le chemin de l’extinction en quelques décennies » souligne une étude australienne parue fin janvier.

La planète n’a rien connu de tel depuis la disparition des dinosaures. Près de la moitié des espèces d’insectes sont en déclin dans le monde entier. Mathieu de Flores, entomologiste à l’Office pour les insectes et leur environnement (OPIE), décrypte pour TV5MONDE un rapport effrayant.

Une étude australienne parue dans la revue scientifique Biological Conservation alerte sur une extinction mondiale des insectes : près de la moitié des espèces sont en déclin rapide. Un tiers sont menacées d’extinction et « chaque année environ 1% supplémentaire s’ajoute à la liste » expliquent ses auteurs Francisco Sanchez-Bayo et Kris Wyckhuys, des universités de Sydney et du Queensland. Que faut-il en penser?

Mathieu de Flores : La méthode scientifique de cette nouvelle étude est robuste. Il s’agit d’une synthèse de 73 études réalisées dans le monde entier. Et il apparaît que les résultats observés au niveau local partout dans le monde concordent tous et aboutissent à la même conclusion, à l’instar de cette autre étude internationale parue en 2017 qui alertait sur la disparition de près de 80% des insectes depuis 30 ans en Europe.

Quand on observe la nature, les trois quarts des espèces connues sont des insectes. La science en a répertorié plus d’un million mais on estime qu’il en existe au moins dix fois plus. 

Comment expliquer ce déclin ?

Il y a plusieurs facteurs. Le premier, c’est la destruction des habitats, qui est essentiellement due à l’intensification de l’agriculture. Quand un paysage bocager perd toutes ses haies pour favoriser la monoculture, les insectes n’ont plus d’endroit où nicher. Même chose pour les forêts du Brésil et d’Indonésie qui disparaissent au profit de plantations agricoles.

Le corollaire de cette agriculture intensive, c’est l’utilisation massive des pesticides. L’objectif des insecticides est bien de tuer des insectes, donc il n’y a rien de surprenant à ce que les insectes meurent !

On met aussi en cause l’urbanisation grandissante, sans oublier le changement climatique. Une étude réalisée à Porto Rico a démontré qu’au sein d’une forêt protégée, les températures avaient augmenté de 2 degrés au cours des 30 dernières années, et pendant le même temps ​98% de la faune du sol avait disparu et 90% au niveau de la canopée.
 

Quelles sont les conséquences possibles d’une extinction des insectes ?

La vie sur Terre est impossible sans les insectes, ils sont à la base de tous les écosystèmes. Même si on vit dans un espace où ils sont peu présents, cela ne veut pas dire qu’on n’en a pas besoin.

On connaît bien leur rôle dans la pollinisation des plantes à fleurs qui développent ensuite des fruits. Les trois quarts de la diversité de notre alimentation est le résultat de la pollinisation par les insectes. Sans eux, notre alimentation sera moins variée.

On connaît moins leur action dans le recyclage des déchets, des cadavres et des déjections d’animaux. Ainsi en Australie, après une introduction de bovins pour l’élevage, on s’est aperçu que les bouses restaient sur place car les insectes locaux ne mangeaient pas ce type de déjections. On a donc dû importer des scarabées bousiers pour qu’ils fassent le travail. 

On peut aussi imaginer que des plantes qui sont mangées par les insectes pourraient ne plus être limitées dans leur croissance et devenir envahissantes.
 

On n’est pas à l’abri que tout s’effondre.
Mathieu de Flores, entomologiste à l’OPIE

Doit-on craindre un monde sans insecte ?

Je ne crois pas à une extinction totale des insectes car ils ont une grande capacité d’adaptation. En revanche, il est probable qu’il ne restera que quelques espèces du type moustiques ou blattes qui, elles, pulluleront car l’absence de diversité empêchera la régulation naturelle.

Mais surtout on n’est pas à l’abri que tout s’effondre. Si 99% des insectes disparaissent, tout peut s’effondrer. Les conséquences sur la chaîne alimentaire peuvent être dévastatrices. De quoi vont se nourrir les bestioles qui mangent les insectes, et celles plus grosses qui mangent les premières ?

On parle sérieusement de fin du monde. On n’a jamais connu une crise comme celle-ci, la dernière a eu lieu il y a 65 millions d’années et a provoqué l’extinction des dinosaures. La nature est faite d’équilibres, que se passera-t-il si on les rompt ? On ne sait pas, on n’a aucune idée des conséquences réelles.

Que peut-on faire pour endiguer le phénomène ?

Chacun peut agir à son échelle, ne serait-ce qu’en repensant sa façon de jardiner, en essayant de laisser des espaces sauvages avec un tas de bois, une zone qu’on ne tond pas, etc. Il s’agit de recréer des équilibres dans les jardins.

En France, les produits phytosanitaires sont désormais interdits à l’usage pour les particuliers depuis le 1er janvier 2019, et c’est une bonne chose. Mais parfois les jardiniers sont désemparés. Comment alors se débarrasser des pucerons de son rosier? En les tolérant ! Car si on les laisse vivre dans un écosystème raisonné, sans pesticides, leurs prédateurs naturels comme les coccinelles viendront les manger.
 

Qu’est-ce que la croissance sinon un indicateur de destruction de notre planète ?Mathieu de Flores, entomologiste à l’OPIE

Il faut également accepter l’idée que certaines espèces ne peuvent être cultivées partout. Utiliser des produits pour faire pousser des tomates à tout prix, au risque de polluer son écosystème et d’empoisonner ses enfants n’a pas de sens. 

Quand on n’a pas de jardin, il faut opter pour une alimentation locale et biologique, si les moyens financiers le permettent et, quoi qu’il arrive, consommer moins de viande pour ne pas favoriser l’agriculture intensive nécessaire aux grands élevages.

Mais il faut souligner que les individus ne peuvent pas tout, une grande part du problème ne pourra être réglée qu’avec des choix politiques drastiques. Cela fait des années que nous alertons sur ces questions, le modèle agricole productiviste est remis en question, mais rien ne se passe concrètement. Le grand public commence seulement à en prendre conscience. J’entends parler sans cesse à la télévision de croissance, mais qu’est-ce que la croissance sinon un indicateur de destruction de notre planète ?


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Alerte Désastre Écologique en cours:Le gigantesque écosystème des insectes est en train de s’effondrer à cause des humains

Les insectes ont triomphé pendant des centaines de millions d’années dans tous les habitats sauf l’océan. Leur succès est sans précédent, ce qui rend leur disparition d’autant plus alarmant.

Terry Erwin, chercheur et entomologiste au Smithsonian, imbibe un arbre avec un insecticide pour collecter des insectes dans un couvert forestier des basses terres au Pérou.
 Terry Erwin, chercheur et entomologiste au Smithsonian, imbibe un arbre avec un insecticide pour collecter des insectes dans un couvert forestier des basses terres au Pérou. Une photographie: Mark Moffett / Minden Pictures / Alamy


 

IL Y A trente-cinq ans, le biologiste américain Terry Erwin a mené une expérience visant à dénombrer les espèces d’insectes. En utilisant un insecticide «brouillard», il a réussi à extraire tous les petits êtres vivants dans les canopées de 19 individus d’une espèce d’arbre tropical, Luehea seemannii , dans la forêt tropicale de Panama. Il a répertorié environ 1 200 espèces différentes, presque toutes des coléoptères et beaucoup de novices en science; et il a estimé que 163 d’entre elles ne seraient trouvées que surLuehea seemannii .

Il a calculé que comme il y avait environ 50 000 espèces d’arbres tropicaux, si ce chiffre de 163 était typique de tous les autres arbres, il y aurait plus de huit millions d’espèces, rien que des coléoptères, dans la canopée de la forêt tropicale humide; et comme les coléoptères représentent environ 40% de tous les arthropodes, le groupe qui comprend les insectes et les autres espèces effrayantes des araignées au mille-pattes peut représenter au total 20 millions d’espèces; et comme il estimait que la faune de la canopée était distincte et deux fois plus riche que le sol de la forêt, le nombre d’espèces pourrait être de 30 millions.

Oui, 30 millions C’était un de ces calculs extraordinaires, comme celui d’ Edwin Hubble sur la véritable taille de l’univers, qui nous bloque parfois.

Erwin a déclaré qu’il avait été choqué par ses conclusions et que des entomologistes les avaient discutées depuis. Mais concernant les insectes, ses découvertes mettent en évidence deux choses incontestablement. La première est qu’il ya beaucoup plus de types que le million d’environ décrits jusqu’à présent par la science, et probablement beaucoup plus que les espèces de 10 mètres parfois considérées comme une figure suprême; et le second est qu’il s’agit de loin du groupe de créatures le plus performant que la Terre ait jamais vu.

La collection de coléoptères de Terry Erwin, tirée de canopées de la forêt tropicale amazonienne, exposée à Washington, DC.

Ils sont innombrables presque au-delà de notre imagination. Ils prospèrent dans le sol, l’eau et l’air; ils ont triomphé pendant des centaines de millions d’années sur tous les continents, à l’exception de l’Antarctique, dans tous les habitats autres que l’océan. Et c’est leur succès – stupéfiant, sans précédent et apparemment sans fin – qui rend encore plus alarmante la grande vérité qui nous frappe: les insectes en tant que groupe ont des problèmes terribles et l’entreprise humaine en expansion impitoyable est devenue trop, même pour eux.

L’ étonnant rapport publié dans le Guardian , selon lequel la biomasse d’insectes volants en Allemagne a diminué de trois quarts depuis 1989, menaçant d’un «Armageddon écologique», est l’alerte la plus sévère à ce jour; mais ce n’est que la dernière d’une série d’études qui, au cours des cinq dernières années, ont finalement attiré l’attention du public sur l’ampleur réelle du problème.

Est-ce que ça importe? Même si les insectes vous font frémir? Oh oui. Les insectes sont des pollinisateurs de plantes essentiels et bien que la plupart de nos cultures céréalières soient pollinisées par le vent, la plupart de nos cultures fruitières sont pollinisées par des insectes, de même que la grande majorité de nos plantes sauvages, des pâquerettes à notre plus magnifique et orchidée pantoufle de belle dame.

En outre, les insectes constituent la base de milliers de chaînes alimentaires et leur disparition est l’une des principales raisons pour lesquelles le nombre d’oiseaux des terres agricoles britanniques a été réduit de plus de moitié depuis 1970. Certains déclins ont été catastrophiques: la perdrix grise, dont les poussins se sont nourris d’insectes Autrefois abondant dans les champs de maïs, le charmant moucherolle à taches, prédateur spécialisé des insectes aériens, a diminué de plus de 95%, tandis que la pie grièche à dos roux, qui se nourrit de gros coléoptères, a disparu en Grande-Bretagne dans les années 1990.

Écologiquement, la catastrophe est le mot.

Il nous a fallu beaucoup de temps pour comprendre cela pour deux raisons: une culturelle et une scientifique. Premièrement, nous ne nous soucions généralement pas des insectes (abeilles et papillons exceptés). Même les amoureux de la faune sont attirés par les vertébrés, les créatures en fourrure et en plumes, et plus particulièrement la «mégafaune charismatique», et dans la population en général, il y a encore moins de sympathie pour le sort des petites choses squelettées de chitine qui rampent et rampent; notre réaction par défaut est un frisson. Moins de bugs dans le monde? Beaucoup l’acclameraient.

Deuxièmement, pour l’écrasante majorité des espèces d’insectes, il n’y a pas de suivi ou de mesure du nombre. C’est une impossibilité pratique: rien qu’au Royaume-Uni, il y a environ 24 500 espèces d’insectes – environ 1 800 espèces d’insectes, 4 000 espèces de coléoptères, 7 000 espèces de mouches et 7 000 autres espèces d’abeilles, de guêpes et de fourmis – et la plupart sont inconnues de tous. quelques spécialistes. Ainsi, leur vaste et catastrophique déclin, enfin perceptible, s’est glissé sur nous; et quand nous avons commencé à le percevoir, ce n’était pas à travers des statistiques, mais à travers une anecdote.

La première impression anecdotique de déclin a été provoquée par ce que l’on appelle parfois le phénomène du pare – brise (ou pare-brise si vous habitez aux États-Unis): à l’époque, surtout en été, un long trajet en voiture provoquait des éclaboussures d’insecticides . Mais alors, pas tellement. Il y a deux ans, j’ai écrit un livre sur cet événement curieux, mais je lui ai donné un nom différent: j’ai appelé cela la tempête de neige, faisant référence aux papillons qui, durant les nuits d’été, pouvaient se grouper en une quantité telle qu’ils phare de voiture rayonne comme des flocons de neige dans un blizzard.

Le méganeuropsis fut l’insecte le plus gros a avoir existé sur Terre.

Mais l’important à propos de la tempête de neige du papillon de nuit était le suivant. J’ai personnellement réalisé qu’elle avait disparu et j’ai commencé à écrire à ce sujet en tant que journaliste en l’an 2000; mais il est devenu évident, après avoir parlé à des personnes qui l’avaient également remarquée, que sa disparition remontait plus loin, probablement vers les années 1970 et 1980. Et le fait que tout un phénomène à grande échelle comme celui-ci ait tout simplement cessé d’exister mène inévitablement à une conclusion sinistre: bien que le monde entier ne l’ait pas remarqué, tout un écosystème géant s’effondrait. Le monde des insectes était en train de s’effondrer.

Les papillons sont en forte baisse.

Aujourd’hui, nous savons sans aucun doute, et avec des statistiques scientifiques plutôt que de simples anecdotes, que c’est vrai et la question se pose immédiatement: quelle en est la cause?

Cela semble indiscutable: c’est nous. Il s’agit d’une activité humaine – plus précisément de trois générations d’agriculture industrielle avec une vaste marée de poisons qui s’épanchent année après année, depuis la fin de la seconde guerre mondiale. C’est le prix réel de l’agriculture basée sur les pesticides, que la société accepte depuis si longtemps.

Alors, quel avenir pour les insectes du XXIe siècle? La situation sera pire encore, alors que nous luttons pour nourrir les neuf milliards de personnes qui devraient vivre dans le monde d’ici 2050, et les 12 milliards possibles d’ici 2100, et que l’agriculture s’intensifie encore plus pour nous permettre de le faire. Vous pensez qu’il y aura moins d’insecticides pulvérisés sur les terres agricoles du monde entier dans les années à venir? Pensez encore. C’est la plus inconfortable des vérités, mais une qui nous oppose: que même les organismes les plus performants qui aient jamais existé sur terre soient maintenant submergés par l’ampleur titanesque de l’entreprise humaine, de même que tout le monde naturel .

Les coquerelles étaient géantes à l’époque des dinosaures.
Les insectes contrôlaient un vaste écosystème,il y a plusieurs millions d’années.