
« Après soixante-dix ans d’intensives excavations sur la terre d’Israël, écrivait-il, les archéologues ont découvert que : les actions des patriarches sont des légendes, nous n’avons pas séjourné en Égypte ni connu l’exode, nous n’avons pas conquis de territoire. Aucune mention n’est faite de l’empire de David et Salomon. Les intéressés le savent depuis des années mais Israël est un peuple entêté et ne veut rien entendre ».
Ainsi, les Israélites ne seraient jamais allés en Égypte, n’auraient pas erré dans le désert ni conquis, par une campagne militaire, une terre qu’ils auraient ensuite léguée aux douze tribus d’Israël. La monarchie de David et de Salomon, décrite dans la Bible comme un pouvoir régional aurait été, dit-il, « tout au plus le royaume d’une petite tribu ». Et quel choquante révélation : le Dieu unique, YHWH (Yahvé), avait une épousenommée Asherah – fait confirmé par la découverte d’inscriptions : ‘YHWH et saAsherah’, ‘YHWH Shomron et sa Asherah’, ‘YHWH Teman et sa Asherah’, sur deux sites différents : l’un à Kuntilet Ajrud au sud-ouest du Negev, l’autre à Khirbet el-Kom dans le piémont judéen.
Ce qui confirmerait l’adoption du monothéisme par les hébreux seulement au 7ème siècle av.JC – et non pas institué par Moïse sur le Mont Sinaï – mont qui, incidemment, n’a pu être localisé avec certitude, pas plus d’ailleurs que les campements des tribus dans le désert. « Aucun site ne correspond au compte rendu biblique » affirme Z.Herzog.
Albright était convaincu que la découverte d’anciens vestiges réfuterait doutes et critiques envers la véracité des textes bibliques. Pourtant, de la conquête de la Terre promise (Canaan), en particulier les prises d’Aï et de Jéricho, à la fin du XIIIème siècle av. JC – décrites avec force détails dans le livre de Josué comme ‘une campagne militaire’ – les excavations ne révélèrent, malgré les efforts, aucune cité sur ces emplacements ni murs qui auraient été détruits. Bien sûr, certains ont tout bonnement prétendu que les fameux murs avaient été ‘emportés par la pluie ou utilisés à d’autres fins’…
Et il en fut de même pour le passage de la Mer Rouge par les Israélites et l’anéantissement des troupes pharaoniques dont aucun vestige ne peut témoigner. Quant à Jérusalem, les chercheurs ont conclu qu’elle ‘n’avait eu de statut central qu’après la destruction de sa rivale, Samarie, en 721av.JC 1. Dès la deuxième moitié du XIXème siècle, des critiques émanèrent, essentiellement de l’école Wellhausen d’Allemagne. Julius Wellhausen affirmait en effet que « l’historiographie biblique avait été formulée, dans une large mesure,‘ inventée’ pendant l’exil babylonien » et que « toutes ces séries d’évènements n’étaient pas plus que leur reconstruction tardive à des fins théologiques ».
Opinions reprises par les ‘minimalistes’, influent groupe de chercheurs à prédominance danoise (dont Niels Peter Lemche et Thomas Thompson) et anglaise (Philip Davies and Keith Whitelam).
Les découvertes archéologiques semblent cependant corroborer un fait important : au début de l’Âge du Fer (1200 av. JC), correspondant à la ‘période sédentaire’, des centaines de petites colonies se sont établies dans la région centrale du pays, habités par des fermiers travaillant la terre ou élevant des moutons. S’ils ne sont pas venus d’Égypte, quelle est donc l’origine de ses colons ?
Selon Israel Finkelstein, directeur de l’Institut d’archéologie à l’Université de Tel-Aviv, « le peuple juif serait originaire de ces bergers tout d’abord nomades puis sédentarisés, car forcés, par la force des choses, à produire leurs propres grains pour se nourrir » mais il ajoute toutefois qu’il « ne croit pas – au XIIème siècle av. JC – à une entité ethnique cohérente et fonctionnelle sous le nom d’Israël ».
Pour sa part, l’historien Josephus (37 – 100 apr. JC), nie non seulement la captivité des Hébreux en Égypte mais les identifie aux Hyksos, envahisseurs mi-asiatiques, mi-sémites, selon certains 2 qui, chassés par les invasions indo-européennes dans l’Asie intérieure, s’infiltrèrent par la vallée du Nil et conquirent la basse Égypte aux environs de 1674 av. JC. Expulsés dans un premier temps, par les princes de Thèbes, ils le furent définitivement par Amosis, roi d’Égypte de 1580 à 1558 av. JC qui s’empara de leur capitale Avaris en fondant la XVIIIème dynastie.
Il est rejoint dans ses affirmations par l’éminent égyptologue Jan Assmann de l’Université d’Heidelberg en Allemagne qui parle de ‘l’Exode comme étant en fait l’expulsion des hyksos’ ; de même que par Donald P. Redford de l’Université de Toronto, dans son livre : Egypt, Canaan and Israel in ancient times qui reçut le premier prix d’archéologie en 1993. Durant l’été 2008, était découverte Itil, la capitale du royaume khazar, près du village de Samosdelka au nord de la mer Caspienne, par des archéologues russes, commandités par le congrès juif et l’Université juive de Moscou.
Évoquant ce fait d’importance capitale, selon lui, le professeur Shlomo Sand lui aussi de l’Université de Tel-Aviv et spécialiste de l’histoire européenne, confirme effectivement que « plusieurs siècles plus tard, les Khazars se sont convertis en masse au judaïsme, devenant la genèse des Juifs ashkénazes de l’Europe de l’est et du centre ».3
Dans son livre : When and How Was the Jewish People Invented ? (Comment le peuple juif fut inventé. De la Bible au sionisme, Fayard, 2008) il n’hésite pas à déclarer que la seule solution politique au conflit avec les Palestiniens est ‘d’abolir l’État hébreu’. « Comme beaucoup d’Israéliens, dit-il, j’ai pris comme un fait acquis que les Juifs vivaient en Judée et qu’ils avaient été poussés à l’exil par les Romains en l’an 70. Mais, recherchant des preuves, je me suis aperçu que les royaumes de David et Salomon n’existaient pas, pas plus que l’exil, d’ailleurs. »
Devant le peu d’intérêt accordé par les médias à la portée d’une telle nouvelle pour l’histoire juive, il dénonce l’étrange état de déni dans lequel vivent les Israéliens.
« Si la majorité des Juifs, questionne-t-il, n’ont jamais quitté la Terre sainte, qu’est-il advenu d’eux ? Cela n’est pas enseigné à l’école, mais la majorité des premiers leaders sionistes, David Ben Gourion inclus, pensaient que les palestiniens étaient les descendants des Juifs originaires de la région…[qui] s’étaient alors convertis à l’islam […] L’édifice de l’histoire juive enseignée dans les universités israéliennes est construit comme un château de cartes », conclut-il.
On le voit, l’écheveau n’est pas près d’être démêlé ni de s’éteindre une polémique dans laquelle n’est pas négligeable l’hostilité de certains chrétiens se disant offensés dans leur ‘croyance fondamentale’ et le refus obstiné d’une majorité d’Israéliens devant une dérangeante évidence : les écrits de l’Ancien Testament n’auraient donc aucun ou peu de fondements historiques. « Le coup, fait remarquer Z. Herzog, porté aux fondations mythiques de l’identité israélienne est apparemment trop menaçant et il est donc plus commode de l’ignorer délibérément… »
Mais à quel prix ! pourrions-nous dire. Et c’est bien ce que porte à penser l’arrogante présomption d’Ariel Sharon, le 22 septembre 2002, déclarant à des visiteurs chrétiens : « Cette terre est la nôtre… Dieu nous en a donné les titres de propriété… ».
Hélas, on ne peut que constater aujourd’hui les funestes conséquences d’une telle supercherie.
Notes
1) En 2007, Ze’ev Herzog, Israel Finkelstein, Lily Singer-Avitz et David Ussishkin ont réfuté l’annonce d’Eilat Mazar prétendant avoir découvert le palais du roi David à Jérusalem. Cette structure porte désormais le nom de : « Large Stone Structure ».
2) Selon certaines hypothèses, les Hyksos étaient constitués de tribus sémites établies en Palestine ; pour d’autres, il s’agirait d’un ensemble de tribus originaires du Caucase qui auraient entraîné à leur passage des pasteurs sémites. Ils apportèrent en Egypte chevaux et chars, répandirent l’usage du bronze et introduirent le culte de divinités asiatiques, provoquant la colère des Égyptiens. On les dit aussi adorateurs de Seth qu’ils assimilèrent à Baal, le dieu cananéen.
3) Sur ce point, dans une recension qui reconnaît la pertinence des questions soulevées par la jeune école révisionniste israélienne, notamment Shlomo Sand (« Le peuple juif a-t-il été « inventé » ? », Éléments n° 133, octobre-décembre 2009), Alain de Benoist estime qu’ « Il (Shlomo Sand) va néanmoins trop loin quand il fait bon marché des études réalisées récemment sur l’ADN des communautés juives qui, même imparfaites (elles ne portent que sur les lignées masculines), semblent au moins démentir le bien-fondé de la thèse faisant descendre les Juifs Ashkénazes des anciens Khazars. »