La folie du Nouvel Ordre Mondial:Toujours plus rare, l’eau cartonne à la bourse

 

 

Après le pétrole, les grains et les métaux, c’est au tour de l’eau d’être négociée sur les marchés boursiers et de susciter l’engouement des investisseurs. Quand l’or bleu devient actif financier.

L’aqueduc de Californie prend sa source dans les montagnes de la Sierra Nevada et approvisionne en eau le sud de l’État, aux nombreuses zones désertiques. Mercredi, deux comtés californiens ont été placés en état d’alerte de sécheresse, après un hiver aux faibles précipitations.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est le 7 décembre 2020 que la Bourse de Chicago et le Nasdaq ont effectué les premières transactions de contrats à terme liés à l’eau. Une première en Amérique du Nord qui, dans le cas présent, se concentre sur le marché de l’eau de la Californie. Cet instrument financier vise à fixer à l’avance le prix des livraisons de la précieuse ressource dans cet État devenu synonyme de sécheresse au fil des ans.

Le responsable des indices du Groupe Chicago Market Exchange, Tim McCourt, présentait alors le nouvel instrument financier comme un garde-fou contre les risques de volatilité pour les gros consommateurs : villes, agriculteurs et industriels. Du même souffle, il évoquait le potentiel grandissant du marché de l’eau : près des deux tiers de la population mondiale feront face à des pénuries d’eau d’ici 2025.

Or, le saut en Bourse de l’indispensable molécule n’est que le prolongement d’une marchandisation qui existe déjà. Le cadre juridique californien permet depuis nombre d’années à des organisations de détenir des titres équivalents à des permis d’utilisation d’eau à des fins économiques et commerciales, explique Frédéric Lasserre, expert en géopolitique de l’eau et directeur du Conseil québécois d’études géopolitiques de l’Université Laval.

« Comme ce sont des titres, ils sont cessibles. Les agents économiques — agriculteurs, industriels et municipalités — peuvent depuis des années vendre aux plus offrants les quotas d’eau qu’ils n’utilisent pas », indique-t-il.

Sur les marchés financiers, les transactions s’inscrivent toutefois sur du court terme, note le spécialiste, qui précise que « ça présente à la fois des avantages et des inconvénients ». Une entreprise ou une municipalité « mal prise » pourra satisfaire ses besoins à court terme grâce à ce marché « en s’assurant un volume “x” de millions de mètres cubes d’eau ». En contrepartie, le prix de la ressource pourrait être plus volatil, estime-t-il.

 

Inquiétudes soulevées

Cette vision n’est pas sans susciter des craintes. L’instrument financier pourrait intéresser des spéculateurs, comme c’est le cas pour les contrats à terme de matières premières comme les grains et les céréales, les minerais et les hydrocarbures.

Toutefois, ce n’est pas encore le cas, souligne Nicolas Mesly, agroéconomiste et journaliste spécialisé en agroalimentaire. Impossible par ailleurs de prédire la place qu’occuperont les acteurs de la finance — et, du coup, la spéculation — dans les prochaines années. « Ça, c’est la grande inconnue. Il faudra attendre un ou deux ans avant de le savoir », dit-il.

Un phénomène non négligeable compte tenu du fait que l’approvisionnement en eau de la Californie dépend de deux sources fortement affectées par les changements climatiques : les accumulations de neige dans les montagnes et le fleuve Colorado, qui traverse cinq États avant de se jeter dans le golfe de Californie.

Une possible spéculation tirerait vers le haut les prix de l’eau et perturberait les types de production agricole en Californie, indique M. Mesly. « L’eau est la ressource fondamentale en agriculture et la Californie, c’est la plus importante puissance agricole aux États-Unis. Et de loin. La Californie, c’est le bol de fruits et le saladier de l’Amérique du Nord. »

Depuis le mois de décembre, la valeur de l’indice Veles California Water, qui suit le marché, a augmenté de 32 %. Celle-ci a été particulièrement tirée vers le haut par les prévisions pessimistes des autorités californiennes quant à la disponibilité de l’eau dans les prochains mois.

Le phénomène de financiarisation de l’eau n’est pas nouveau. Le nombre de fonds qui suivent des entreprises du secteur a augmenté ces dernières années. Pas plus tard que la semaine dernière, le gestionnaire de portefeuille américain Global X lançait Global X Clean Water. Ce fonds négocié sur le Nasdaq investit dans des entreprises de traitement, de purification et de distribution d’eau.

Pour expliquer son intérêt, la firme a évoqué des statistiques de l’ONU publiées en février : quatre milliards de personnes dans le monde connaissent une grave pénurie d’eau pendant au moins un mois par an et 2,3 milliards de personnes vivent dans des pays en situation de stress hydrique.

Global X rejoint ainsi d’autres sociétés financières qui ont lancé des produits similaires au cours des dernières années. Leur rendement est notable. La valeur du First Trust Water, qui suit les entreprises des industries des eaux propres et usées, a augmenté de 63 % au cours de la dernière année. La valeur du fonds Invesco Water Resources a enregistré un gain de 57 % pendant la même période, alors que le Lyxor World Water a augmenté de 45 %.


EN COMPLÉMENTAIRE

2,2 milliards d’humains n’ont pas accès à l’eau potable. Il existe pourtant des solutions.

 

Water Seer est une invention originale qui pourrait changer la vie de millions de personnes. Ce système composé d’une éolienne et d’une cuve mise sur la condensation pour récupérer l’eau présente naturellement dans l’air. Découverte.


La problématique de l’eau peut nous sembler lointaine en occident. C’est pourtant une question de vie ou de mort pour une grande part de l’humanité. Dans le monde, environ 2,2 milliards de personnes n’ont pas d’accès à l’eau potable. Toutes les 90 secondes, un enfant meure en raison d’un manque d’accès à l’eau. De manière quotidienne, ce sont au total 10 000 personnes qui succombent en raison du manque d’eau ou de maladies contractées à travers de l’eau impropre à la consommation. La pénurie s’explique notamment par la présence d’un climat sec, le manque d’infrastructures publiques ou encore les pollutions industrielles locales (qui, trop souvent, profitent au mode de vie occidental). Alors que cette réalité source de maladies, de misères et de conditions de vie inhumaines, est connue de tous, il n’existe pas à ce jour de solution idéale pour endiguer le problème. Des études montrent d’ailleurs que, si n’est rien n’est fait, la situation devrait s’empirer dans les années à venir.

L’accès à l’eau potable, un défi mondial de taille

Les difficultés d’accès à l’eau posent des problèmes en terme de santé et d’hygiène. Dans certaines parties de la planète, les difficultés liées à l’accès à l’eau sont par ailleurs la source de discriminations. Selon les régions touchées, femmes et enfants passent jusqu’à 6 heures par jour rien que pour se rendre dans les points d’eau et rapporter la précieuse ressource à la communauté. Cette activité les empêche de s’émanciper par le biais d’une activité quelconque ou l’éducation. C’est donc le développement global des pays touchés qui est impacté par la problématique de l’eau.

La pénurie de l’eau, outre ses conséquences sociales désastreuses, est également à l’origine de conflits et de tensions nationales et internationales. Avec le changement climatique et les pollutions diverses générées par la consommation de masse, le nombre de personnes n’ayant pas d’accès à l’eau potable pourrait encore augmenter, aggravant un peu plus la situation. Pourtant, en occident, nous continuons tous à user et à abuser de la précieuse ressource potable, y compris jusque dans nos toilettes, bien que les épisodes de sécheresse ne nous soient plus entièrement étrangers.

 

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