Les démocrates ouvrent la procédure de destitution à l’endroit de Donald Trump

 

La présidente de la Chambre des représentants annonce une enquête sur la destitution de Donald Trump.

La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, qui avait jusqu’ici servi de pare-feu à cette démarche en raison des risques électoraux qu’elle pose, a fini par annoncer, mardi après-midi, l’ouverture de l’enquête, aussitôt dénoncée par Donald Trump.

Cette démarche exceptionnelle de la politique américaine est réservée pour les actes de trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs.

 

Au cours d’un point de presse de six minutes, la démocrate la plus puissante du Congrès a accusé le président d’avoir violé la loi et ses responsabilités constitutionnelles pour faire des gains politiques.

Invoquant le système de contrepoids du système politique américain, elle a exposé les motifs de sa décision. L’administration Trump a refusé de remettre la plainte d’un lanceur d’alerte au Congrès, comme la loi l’exige, et le président lui-même a admis avoir demandé au président de l’Ukraine de poser des actions qui lui seraient bénéfiques [au président Trump] sur le plan politique, a-t-elle martelé.

Les démocrates soupçonnent Donald Trump d’avoir fait pression sur son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, au cours d’un entretien téléphonique ayant eu lieu en juillet dernier pour qu’il relance une enquête sur une société gazière qui comptait le fils de son rival démocrate Joe Biden au sein de son conseil d’administration. Ils croient que le président pourrait l’avoir menacé, directement ou implicitement, de bloquer l’aide financière de près de 400 millions de dollars destinée à la défense du pays dans son conflit avec des autonomistes soutenus par la Russie.

Le président Trump a récemment admis avoir demandé à son homologue ukrainien d’enquêter sur Hunter Biden, mais a nié toute forme de pression.

« Le président doit rendre des comptes »

La présidente de la Chambre semble faire le pari que l’électorat, en majorité opposé à une procédure de destitution, atteindra à son tour le point de non-retour. Le rapport du procureur spécial Robert Mueller, qui avait relevé des exemples d’entraves à la justice de la part du président, n’avait pas fait bouger l’aiguille.

Le président doit rendre des comptes. Personne n’est au-dessus de la loi, a martelé Mme Pelosi.

«Les actions de la présidence Trump ont révélé le fait déshonorant selon lequel le président a trahi son serment de fonction, trahi notre sécurité nationale et trahi l’intégritéde nos élections.»

-Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des démocrates

Dans les minutes qui ont suivi l’allocution de Mme Pelosi, le président Trump, qui était à l’Assemblée générale de l’ONU, à New York, a dénoncé dans une série de tweets une saleté de chasse aux sorcières et s’est dit victime d’harcèlement présidentiel.

L’annonce de Nancy Pelosi survient quelques heures après que Donald Trump eut accepté de rendre publique la transcription de son entretien avec le président ukrainien, qui selon plusieurs médias américains, est au centre de la plainte du lanceur d’alerte, qui travaillerait pour la communauté du renseignement.

Elle devance aussi de deux jours le témoignage du directeur du renseignement national (DNI) par intérim, Joseph Maguire, devant le Comité du renseignement de la Chambre. Celui-ci devra expliquer pourquoi il a refusé de transmettre à la commission la plainte du lanceur d’alerte mystère, pourtant jugée crédible par l’inspecteur général de la communauté du renseignement, Michael Atkinson, nommé par M. Trump.

Au cours de son allocution, Mme Pelosi a d’ailleurs sommé M. Maguire de partager la plainte du lanceur d’alerte lors de sa comparution devant le comité.

Il devra choisir entre violer la loi ou honorer sa responsabilité envers la Constitution, a-t-elle averti.

L’enquête sur la destitution n’incombera pas à un comité spécial, comme cela avait été le cas lors de l’enquête sur le Watergate visant le président républicain Richard Nixon, en 1974. Mme Pelosi a précisé que les six comités investiguant déjà sur divers sujets liés à Donald Trump et à son administration poursuivront leurs enquêtes sous le parapluie de l’enquête sur la destitution.

La carte de la transparence abattue sur le tard

En après-midi, avant l’annonce des démocrates, le président a joué la carte de la transparence, mais c’était trop peu trop tard.

Le président Donald Trump a indiqué qu’il avait autorisé la publication de la transcription de sa conversation avec son homologue ukrainien.

J’ai autorisé la publication demain de la transcription complète, entièrement déclassifiée et non censurée de ma conversation téléphonique avec le président Zelensky d’Ukraine, a-t-il déclaré sur Twitter.

Vous verrez que c’était un appel très amical et tout à fait approprié, a-t-il soutenu.

La Maison-Blanche avait déjà refusé de rendre publique la transcription de conversations avec le président russe, Vladimir Poutine, invoquant l’absence de précédent.

Selon plusieurs médias, la conversation avec le président ukrainien n’est cependant pas la seule au cœur de la plainte du lanceur d’alerte.

Le président du Comité du renseignement de la Chambre, Adam Schiff, a indiqué en cours de journée que le lanceur d’alerte était pour sa part prêt à témoigner devant la commission et son pendant au Sénat. Il a dit espérer qu’il comparaîtrait cette semaine.

Avant son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, Donald Trump a encore nié avoir fait pression sur l’Ukraine afin de tenter de nuire à son rival démocrate Joe Biden.

Je mène dans les sondages. Ils ne savent pas comment m’arrêter, a-t-il déclaré, même si les principaux candidats à l’investiture démocrate le devancent dans les intentions de vote.

M. Trump a cette fois affirmé qu’il avait retardé l’aide américaine à l’Ukraine parce que les pays européens n’avaient pas payé leur juste part pour soutenir le pays. La veille, il avait pourtant lié sa décision à des préoccupations concernant la corruption en Ukraine.

Selon le Washington Post, le président avait pris cette décision au moins une semaine avant la conversation controversée avec le président ukrainien.

L’aide financière à l’Ukraine a finalement été autorisée la semaine dernière.

Républicains et candidats démocrates sur le pied de guerre

Les alliés républicains du président n’ont pas manqué de dénoncer le fait que les démocrates n’aient pas attendu la publication de la transcription de l’entretien téléphonique entre les présidents américain et ukrainien avant d’annoncer la procédure de destitution.

Le leader de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a déploré dans un communiqué l’obsession vieille de trois ans des démocrates pour la destitution .

Ils n’arrivent pas à accepter les résultats de l’élection de 2016, a pour sa part affirmé sur Twitter le leader de la minorité républicaine à la Chambre, Kevin McCarthy.

Les démocrates ne cherchent pas à aider les Américains, a soutenu le camp républicain, qui a prédit que leurs adversaires en paieraient le prix aux urnes.

Plusieurs candidats à l’investiture démocrate ont pour leur part applaudi à la décision de Mme Pelosi. C’est le cas de la sénatrice Elizabeth Warren, qui avait lancé un appel pour cette procédure dès le mois d’avril, du sénateur Bernie Sanders, de leur collègue Kamala Harris et de l’ex-représentant Beto O’Rourke.

En après-midi, le meneur de la course, Joe Biden, avait appelé à lancer la procédure de destitution si le président refusait de coopérer avec les enquêtes du Congrès, notamment sur l’affaire ukrainienne qui le concerne malgré lui.

La pression montait dans les rangs démocrates

Nancy Pelosi a procédé à son annonce nucléaire après avoir rencontré les leaders démocrates et l’ensemble de son caucus.

Outrés par l’affaire ukrainienne, plusieurs élus modérés ou représentants des districts qui ne sont pas acquis à leur formation ont changé de cap au cours des derniers jours, ce qui a fait augmenter la pression sur les leaders démocrates, qui avaient jusqu’ici joué de prudence.

Les démocrates de la Chambre ont ravi 43 sièges aux républicains lors des élections de mi-mandat de 2018; 21 d’entre eux l’ont fait avec des marges inférieures à 5 %, ce que gardait en tête la meneuse des troupes démocrates.

Une trentaine d’élus démocrates a rejoint les rangs des partisans d’une procédure de destitution dans la foulée du témoignage de l’ex-procureur spécial Robert Mueller devant la Chambre cet été.

L’affaire ukrainienne a fait céder plusieurs digues, et les plus progressistes ne se sont pas gênés pour interpeller directement leurs leaders.

La Chambre, présentement dominée par les démocrates, n’a pas encore le nombre d’appuis requis pour lancer la mise en accusation, qui nécessite la majorité simple des élus qui votent. Si l’ensemble des 435 représentants se prononçaient, le chiffre magique serait alors de 218, mais il serait moins élevé si les élus votaient en moins grand nombre.

Selon le décompte du New York Times, 202 représentants démocrates (sur un total de 235) soutiennent désormais cette option, et ce nombre croît d’heure en heure. Un ex-républicain devenu indépendant s’est joint à eux.

Si la procédure aboutit à une mise en accusation, le procès proprement dit relèverait du Sénat, sous contrôle républicain, où le scénario d’une destitution a peu de chances de se réaliser. À travers toutes les tempêtes, les républicains sont restés loyaux au président Trump.

Une procédure de destitution est exceptionnelle. Seuls deux présidents ont été mis en accusation – Andrew Johnson en 1868, puis Bill Clinton en 1998 – mais ont été acquittés, et un autre, Richard Nixon, a démissionné en 1974 avant d’être mis en accusation.

 

 

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